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Saint-Just. Le premier épisode de l'Archange de la terreur : voler sa mère !

Extrait du journal ; Le réveil de l'Aisne, journal républicain libéral du 18 janvier 1907

Blérancourt

Nous trouvons dans le Journal des Débats sous la signature Z.../. ..cette intéressante notice inédite sur la jeunesse de Saint-Just.

:

A la préfecture de police il existait encore, il y a dix ans, un dossier relatif à lajeunesse de Saint Just. Est-ce l’effet du hasard, ou de la négligence, ou d'une piété coupable ?

Ce dossier a disparu.

D’après les notes des divers historiens qui l'avaient consulté, M. Antoine Morsain le reconstitue dans le Mercure de France. Travail d’autant plus intéressant que ces papiers de police sont à peu près les seuls renseignements privés que l'on sur Saint-Just.

Le 17 septembre 1785, Mme veuve Saint-Just, domiciliée à Blérancourt, près Noyon, écrivait à

M. le chevalier d’Evry, officier aux gardes : « Mon fils est venu passer chez moi quinze jours, et il en est parti, la nuit, à mon insu, pour se rendre à Paris, emportant avec lui une écuelle d’argent neuve, un gobelet d’argent à pied relevé en bosse,une timbale à tenir une demi-bouteille, le

pied et le bord dore ; trois tasses très fortes d’argent ; des paquets de galon d’argent, une paire de pistolets garnis en or, une bague line faite en rose, et plusieurs autres petites choses en argent  ».


Comme elle ne doutait point que sou fils ne voulût s’en défaire pour un mauvais usage, Mme

veuve Saint-Just priait le chevalier d’agir avec prudence pour ne poiut perdre le jeune homme, mais de le faire mettre en lieu de sûreté » pour loi donner le temps de se repentir.


Trois jours après, une lettre apportait à Mme Saint-Just des nouvelles de son argenterie. Elle ne venait ni de son fils, ni du chevalier d'Evry. mais d'un certain Richardet. qui se disait médecin à Sceaux. Ce médecin ne donnait pour le coupable involontaire. Ayant soigné Saint Just d'un mal à la tempe très dangereux, il lui avait envoyé a note. Saint-Just avait craint d'alarmer sa mère en lui demandant de l'argent ; c'est pourquoi il l'avait volée . Aujourd'hui, il n'osait pas se représenter chez elle et parlait de s'enfermer à l'Oratoire. Le médecin suppliait Mme Saint-Just de détourner son

fils d'un état qui ne lui convenait point, de l'engager à étudier la médecine pour laquelle il montrait des dispositions, mais de lui assurer d'abord un repos nécessaire et un régime de laitage et de légumes, pour rafraichir son sang qu’il avait « calciné » .


Mme Saint-Just ne crut ni au médecin, ni à Ia maladie. Elle envoya la lettre au chevalierd’Evry. Le 6 octobre, son fils arrêté dans un hôtel garni de la rue Fromenteau, comparaissait devant Gilles Pierre Chenu,,commissaire au Chatelet. Il reconnut le vol, n'invoqua point d’excuse, avoua qu'il avait vendu les objets détournés pour payer son traiteur. Interrogé sur ce qu’il comptait faire après avoir dissipé le dit argent, il dit qu'il attendait d’être assez grand pour entrer dans les gardes de M. le comte d'Artois. Il avait alors dix-neuf ans.


Un ordre du lieutenant de police, confirmé par une lettre de cachet, le fit conduire à la «  Maison de la Dame Marie, maîtresse de pension à Picpus » . Cette pension, tenue alors par une femme bien élevée, Mme de Sainte-Colombes, était une sorte de succursale de Saint Lazare à l’usage des fils de

famille ; on en voit encore, au coin de la rue de Picpus et du boulevard Diderot, les fortes grilles et les terrasses en ruine . Saint-Just y demeura six mois, moins occupé de se repentir que de revoir le manuscrit d’un poème galant qu'il chercha plus lard à faire disparaître, quand il fut devenu un républicain vertueux.

La mère du prisonnier ne l'abandonna poiht. Elle paya sa pension qui était de huit cents francs ; mais elle lui envoyait plus de conseils que de douceurs. Elle lui adressait des chemises une à une, de peur qu' il ne les vendit, et, tout en autorisant le chevalier d’Evrv à lui acheter une redingote d'hiver, lui recommandait de la prendre dn plus commun et du meilleur marché, « il faut, écrivait elle, lui faire sentir, sa futile en ne lui donnant que le nécessaire indispensable. »



Il fallait aussi qu'il songeât sérieusement à un état solide. Toute la famille y songeait pour lui,notamment les sœurs de Sant-Just, dont une venait d'épouser maître Dubois-Dcscharmes, procureur à Soissons. Ce fut pour entrer connue second clerc dans l'étude de ce procureur que le

jeune homme quitta, en mars 1787, la maison de Mme de Sainte-Colombe.

Après avoir hésité entre la médecine et l'Oratoire, il s'était décidé pour le barreau.

Au vif regret de Mme de Saint-Just, l'argenterie ne s'etait pas retrouvée. Mais, quand en arrêta son fils, il avait encore chez lui les pistolets garnis en or.

L’une de ces pièces à conviction est au musée Carnavalet.