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la capitulaire de Quierzy


1145 ans jour pour jour, 16 juin 877 :

Signature du capitulaire de Quierzy , une des origines importantes des droits héréditaires dans l’Occident chrétien.

Le capitulaire de Quierzy est un acte promulgué lors d'une assemblée tenue à Quierzy-sur-Oise entre le 14 juin et le 16 juin 877 sous le règne du roi Charles le Chauve.

Appelé au secours par le pape Jean VIII, Charles le Chauve est sur le point d'entreprendre une expédition en Italie.

Préalablement, il réunit une assemblée à Quierzy pour régler la bonne marche de son empire.

Dans cette même assemblée, il promulgue un capitulaire dont deux articles qui n'avaient qu'une portée ponctuelle (l'expédition en Italie et ses conséquences directes) ont été considérés comme les articles fondateurs de la féodalité par l'hérédité des honneurs.

Il s'agit des articles qui règlent la question des honneurs laïcs et ecclésiastiques qui viendraient à vaquer pendant cette période :

-Les évêchés vacants seront soumis à un conseil de gestion en attendant la décision de l'empereur ;

-Si un comte meurt, son fils aîné, assisté de l'évêque et des principaux officiers du comté, gérera le comté ;

-Si un vassal meurt, sa veuve et ses enfants disposeront provisoirement de ses bénéfices ;

-Si l'empereur meurt au cours de l'expédition (Charles le Chauve sort tout juste d'une pleurésie) et qu'un grand se retire dans un monastère pour prier pour son salut, son fils ou un parent « hérite » de ses bénéfices.





Illustration : Cette miniature montre Charles le Chauve béni par la main de Dieu, avec à ses pieds la personnification des principales provinces de son royaume. Elle est extraite du Codex aureus ou Évangile de saint Emmeran de Rastibonne (Bibliothèque de Munich).

On y constate que les enlumineurs de l'époque ignoraient la perspective .



Comment réécrire l'histoire pour en faire de l'idéologie républicaine !
Toutes les sociétés au monde se construisent une aristocratie et penser que les Républiques n'ont pas ce travers , c'est du formatage et bourrage de crâne pour enfant de l'école primaire .
Nous soumettons ce texte car il confirme la place de Quierzy et de Charles le chauve dans notre histoire nationale . Mais émettre que la vassalité et la féodalité aient été la cause de la Révolution en France sans faire aucune comparaison avec les autres civilisations et les mille années qui séparent ces événements est une simplification tout à fait impropre à une saine analyse historique . Aucune société au monde n'existe sans aristocratie et toutes les réformes qui tentent de les abattre ne font que faire émerger des aristocraties de substitutions .
La nomenklatura soviétique serait-elle bonne et normale pour certains ?

Les carolingiens "capitulent" à Quierzy par M Alain JUNO 2019.

Naissance de la féodalité

Le 14 et 16 juin 877, très peu de temps avant son décès, l’Empereur Carolingien Charles le Chauve, déjà malade, rédige le CAPITULAIRE* de QUIERZY.

Qui pourrait penser aujourd’hui en traversant ce minuscule hameau de Quierzy de 430 habitants, situé dans l’Aisne, à l’est de Noyon, au bord de l’Oise, qu’il fut pendant 300 ans (entre 600 et 900) la véritable capitale politique de la France et un berceau des Carolingiens ? Ancienne villa royale mérovingienne, il aura connu de nombreux événements majeurs, dont le décès de Charles Martel, le mariage de Pépin Le Bref, peut-être aussi la naissance de son fils Charlemagne, le mariage de Charles Le Chauve, et… 3 conciles dont celui de 754 créant les États Pontificaux !

Dans ce paisible village de l’Aisne, résidence à l’époque carolingienne depuis longtemps très appréciée de la famille royale, et en partance pour l’Italie où il s’est engagé à défendre les intérêts de la papauté menacée par les Musulmans, Charles souhaite définir et assurer les conditions de la gestion du royaume en son absence, voire en cas de décès.

Il y convoque donc en assemblée les évêques et comtes du royaume. Il les connaît bien puisque dans un précédent Capitulaire de Coulaines (près du Mans), en 843, il garantissait déjà aux uns et aux autres la jouissance paisible de leurs fonctions et de leurs biens moyennant en retour leur aide et conseils, puis en 847 dans celui de Meerssen (à quelques minutes de Maastricht, décidément lieu de textes importants), Charles avait déjà édicté les règles de la vassalité par lesquelles il permettait à chaque homme libre de se choisir un seigneur, instaurant ainsi des relations juridiques personnelles de «confiance» (en latin «fœdus» qui donnera «féodal»).

Évêques et Comtes sont devenus, depuis Clovis, les véritables relais du pouvoir royal. Le pouvoir décisionnel centralisateur et pyramidal, véritable marque de l’Empire Romain et que Charlemagne avait voulu rétablir, s’était en effet heurté depuis le Ve siècle aux usages coutumiers des tribus germaniques itinérantes, dont sont issus les Francs, habituées à fonctionner, elles, de façon transversale, sans hiérarchie, en « union d’intérêts » épisodiques. Les rois carolingiens, désormais propriétaires, ne peuvent réaliser, eux, leur expansion et la gestion de leurs territoires sans une obligation de délégation des pouvoirs attribuée aux plus proches et fiables de leurs compagnons, les « Comes », les Comtes.

Nommés par le roi, les Comtes étaient devenus des fonctionnaires responsables, mais révocables car non titulaires définitifs, d’entités territoriales composées de plusieurs « pagi » (pays), directement issus du découpage territorial romain, gérant pour lui l’administration, la présidence de la juridiction, la fiscalité et la nécessaire conscription éventuelle de troupes pour la protection des populations contre les invasions et désordres divers. Issues de ce véritable « Hommage féodal » ces attributions de compétences et la jouissance de leurs terres étaient parfois devenues dans les faits pour les Comtes, tacitement mais non juridiquement, héréditaires.

Ils s‘y retrouvent œuvrer en binôme avec les Evêques, eux aussi devenus depuis les Mérovingiens membres de l'administration du royaume, donc assujettis au service militaire, et dont Charles veut organiser l’intérim pendant le déplacement prévu. Depuis Clovis, le roi est en effet un monarque sacré qui choisit lui-même les évêques et peut influencer leur liturgie (contrairement à l’ancien usage mérovingien où les évêques étaient élus par leurs concitoyens. Cf. Le propre père, Philibaud, de notre moine préféré Philibert dans sa ville d’Aire-sur-l'Adour). De plus, fidèle à cette théocratie, Charles Le Chauve est très religieux. À l’encontre de ses prédécesseurs, il a renoncé à l’abondante chevelure traditionnelle du chef Franc pour adopter la tonsure des moines, d’où son surnom.

Mais à Quierzy, Charles se heurte apparemment à une opposition assez forte des aristocrates, déjà parfois turbulents depuis une vingtaine d’années. Face à leur manifestation d’indépendance et pour les rassurer quant aux conséquences de leurs décès éventuels pendant l’expédition, il doit leur effectuer quelques concessions dont la garantie, sous contrôle, de l’hérédité des terres et des pouvoirs au profit de leurs fils. Il concrétise alors cette reconnaissance dans un texte réglementaire : un capitulaire.

En consacrant ce nouvel usage articulant deux visions juridiques différentes, sans en mesurer probablement tous les effets, Charles Le Chauve donne historiquement et involontairement naissance à la féodalité en France.

Le très carolingien Capitulaire de Quierzy reste donc un acte fondateur de la société Française pour les siècles à venir, lui attribuant désormais ce fonctionnement pyramidal très hiérarchisé.

Du Capitulaire de Quierzy reconnaissant l’hérédité de la noblesse va en effet se dérouler inévitablement tout le fil des liens définissant précisément le fonctionnement d’une société féodale fondée jusqu’alors sur des coutumes germaniques tacites, consenties et adoptées, mais désormais sur des allégeances juridiques personnelles entre vassal et suzerain, reconnues dans des textes, et héréditaires, instaurant logiquement des lignages aristocratiques à l’origine de véritables dynasties locales.

Car cette nouvelle institutionnalisation juridique se révélera assez rapidement perverse, se retournant même contre les intérêts royaux. Œuvrant en zones périphériques et par là-même garants de la stabilité du pouvoir royal lointain qu’ils relaient, en palliant parfois à ses défaillances, les Comtes ne pourront échapper parfois à la tentation d’une indépendance personnelle les rendant alors incontrôlables. De plus, leur propre stabilité souhaitable sera mise à mal par le jeu de leurs mariages et de leurs alliances provoquant insidieusement l’impossibilité d’une unité nationale. Malgré des désaffections politiques temporaires, ce système aristocratique traversera pourtant tout le Moyen Âge et permettra finalement, même après avoir été jugulé par Louis XIV, son maintien dans le royaume jusqu’à la fin de l’Ancien Régime et au-delà.

Quierzy n’est donc que l’aboutissement mais surtout la révélation de l’affaiblissement progressif du pouvoir royal carolingien face à l’essor de l’aristocratie. On le constatera d’ailleurs peu de temps après, dès 888, puisque Eudes, comte de Paris, non issu des Carolingiens, sera élu roi par ses seuls pairs. (Ce procédé électif totalement interne à l’aristocratie marquant alors une rupture totale avec les usages traditionnels). Eudes donnera naissance à la longue dynastie des Capétiens.

Ce déclin de la royauté sera constaté également plus tard dans le domaine religieux, sous Louis VII, au XIIe siècle qui fut certes un siècle de construction des premières grandes cathédrales mais révélera en réalité la montée en puissance du clergé et du pouvoir du Pape. Il faudra attendre Philippe Auguste, qui au passage a réuni le sang capétien et le sang carolingien par l’un de ses mariages, un siècle plus tard, pour voir cette tendance s’inverser.

Charles décède à son retour d’Italie, en Savoie, le 6 octobre 877. QUIERZY sera l’un des derniers capitulaires carolingiens.

15 ans plus tard, en 892, Quierzy ne sera plus qu’un champ de ruines après le passage des « Vikings » et sera encore marqué beaucoup plus tard par les destructions de la guerre 14-18.

CONCLUSION

En favorisant une culture héréditaire des élites, tant religieuse qu’administrative, la royauté carolingienne a secrété elle-même sa propre disparition.

Mais elle n’est pas le seul exemple dans notre Histoire. L’aristocratie peut se révéler destructrice pour le pouvoir même qui l’abrite. On se souviendra d’abord de César trahi par les Sénateurs, de l‘épisode de la Fronde qui a tant marqué l’enfant Louis XIV qu’il consacrera sa vie à juguler les appétits des princes, de Philippe d’Orléans votant la mort du roi, de Napoléon trahi lui aussi par certains de ses maréchaux, etc.

Nos sociétés contemporaines peuvent-elles échapper au phénomène ?

Au souci initial de l’intérêt général succède invariablement celui des ambitions et des intérêts personnels et particuliers. L’exercice du pouvoir ne supporte donc ni faiblesse ni dérive mais ne peut cependant résister à l’usure du temps. Le temps est donc la marque de l’Histoire mais le provisoire demeure la véritable mesure des civilisations. L’intérêt d’une aristocratie dont l‘hérédité garantirait la qualité n’est donc qu’illusoire. Le renouvellement des compétences et de l’élite s’avère continuellement nécessaire, dans tous les domaines.

Alain JUNO 2019

*capitulaire : il s’agit d’un texte, édit ou ordonnance royale, rédigé généralement personnellement par le roi assisté de ses conseillers, et divisé en Chapitres (« Capitula »). Son objectif normatif concerne de nombreux sujets : l’organisation et l’administration de l’Empire, les rapports entre l’Église et l’État, les finances, la gestion des domaines, la justice, etc. Les Carolingiens, et surtout Charlemagne, rédigeront de nombreux capitulaires. Leur communication, au nom du roi, étant ensuite assurée par des émissaires assermentés et lus devant une assemblée judiciaire.

À ne pas confondre avec les actes capitulaires au sens religieux, concernant des décisions prises en assemblées de prélats, les Chapitres, débattues lors de plaids, généralement dans une pièce proche de l’église.