Les dernières années du comte lépreux Raoul de Vermandois (v. 1147-1167...) et la dévolution de ses provinces à Philippe d'Alsace

Bibliothèque de l'École des chartes Année 1984
  • Duval-Arnould Louis. Les dernières années du comte lépreux Raoul de Vermandois (v. 1147-1167...) et la dévolution de ses provinces à Philippe d'Alsace. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1984, tome 142, livraison 1. pp. 81-92.

LES DERNIÈRES ANNÉES DU COMTE LÉPREUX

RAOUL DE VERMANDOIS (v. 1147-1167...)

ET LA DÉVOLUTION DE SES PROVINCES

À PHILIPPE D'ALSACE

par Louis DUVAL-ARNOULD

La recrudescence de la lèpre, au xne siècle, posa un grave problème en Occident, et l'on sait comment les malades furent isolés, mis à l'écart de la population, obligés à vivre en communautés fermées. Ils n'étaient pas à proprement parler exclus de la société : celle-ci, par le jeu des aumônes qu'offraient les uns et les autres, clercs ou laïcs, puissants ou humbles gens, prenait en charge leur subsistance et elle leur assurait aussi, grâce aux chapellenies de plus en plus souvent associées aux maladreries, l'assistance spirituelle à laquelle leur donnait droit leur condition de chrétiens. Mais ils restaient étroitement cantonnés sur les marges de cette société, retirés du monde à la manière des religieux auxquels ils furent vite assimilés par leur habit, leur style de vie, leurs obligations même1.

Cette claustration, cet éloignement du commerce des hommes et des fonctions de la vie sociale ne furent peut-être pas appliqués toujours avec la même rigueur, en particulier dans les milieux aristocratiques, lorsque les malades avaient reçu, de par la naissance et l'héritage familial, une mission de responsabilité et de commandement. A cet égard, le cas de Baudouin IV de Jérusalem semble assez caractéristique : déjà frappé de la lèpre lorsqu'il devint roi en 1174 à l'âge de treize ans, il exerça néanmoins le pouvoir jusqu'à sa mort (1185), s'efforçant de galvaniser les énergies face à la pression musulmane et à la vigoureuse ascension de Saladin, présent partout, même sur les champs de bataille où il se faisait porter sur une civière2.

1. Sur ce sujet, voir en particulier Joseph Avril, Le IIIe concile de Latran et les communautés de lépreux, dans Revue Mabillon, t. 60, 1981-1984, p. 21-76.

2. Voir par exemple René Grousset, Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem, Paris, t. II (1935), p. 609-758.

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Bibliothèque de l'École des chartes, t. 142, 1984.

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Moins célèbre que celui de Baudouin et de moindre conséquence, sans doute, aux yeux de l'histoire, le tragique destin de Raoul de Vermandois, son aîné d'une quinzaine d'années, n'en présente pas moins quelques similitudes avec le sien. Il reste cependant enveloppé d'obscurités ; en tout cas, la maladie et la mort du jeune comte et la transmission de ses provinces à son beau-frère Philippe d'Alsace ne paraissent pas s'être déroulées selon un scénario aussi simple qu'ont pu le croire les historiens préoccupés des vicissitudes du Vermandois1 ou attachés à retracer la carrière du comte de Flandre Philippe2. Le rapprochement de deux textes de chroniques, auxquels on n'avait pas prêté une attention suffisante, et de deux chartes jusqu'à présent inédites invite à un nouvel examen de la fin de la vie de Raoul et des modalités de sa succession.

Issu d'une branche cadette de la famille capétienne, comte de Vermandois et d'Amiens et seigneur de Valois, le père du lépreux, Raoul l'Ancien, avait fait rompre son mariage avec une proche parente du comte de Champagne pour épouser, vers 1141 ou 1142, Pétronille (dite aussi Adélaïde) d'Aquitaine, sœur de la reine Aliénor. Le divorce et le remariage firent scandale, déclenchèrent des guerres et des excommunications pontificales, mais le pape Eugène III finit par légitimer la nouvelle union au concile de Reims de 1148. Trois enfants vinrent au monde : Elisabeth naquit vers 1143, Raoul sans doute en 1147, enfin Aliénor vers 1149. Raoul l'Ancien, déjà veuf de Pétronille et remarié, mourut le 14 octobre 1152, laissant sa terre et ses jeunes enfants à la garde du comte de Soissons, Ives de Nesle. Elisabeth épousa en 1156 Philippe d'Alsace, fils et héritier du comte de Flandre Thierry, tandis qa'Aliénor fut accordée vers la fin de 1162 au fils aîné du comte de Hainaut Baudouin IV, le jeune comte d'Ostrevant Godefroid, qui mourut dès le 7 avril 1163. Quant à Raoul, atteint de la lèpre, il mourut avant d'avoir consommé son mariage avec Marguerite d'Alsace, une sœur de Philippe, et ses provinces passèrent aux mains de sa sœur Elisabeth et de son beau-frère, accroissant ainsi très fortement la puissance territoriale du comte de Flandre 3.

1. Léon-Louis Borrelli de Serres, La réunion des provinces septentrionales à la couronne par Philippe Auguste : Amiénois, Artois, Vermandois, Valois, Paris, 1899, p. ix-xvn.

2. Alexander Cartellieri, Philipp II. August, König von Frankreich, Leipzig, 1899-1906 (voir surtout le t. I, livre II) ; Henri Pirenne, Philippe d'Alsace, dans Biographie nationale, t. XVII (Bruxelles, 1903), col. 163-176 ; Joseph Johnen, Philipp von Eisass, Graf von Flandern, 1157 (1163J-1191, dans Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. 79, 1910, p. 341- 468 ; Hans Van Werveke, Filips van de Elzas, dans Nationaal biografisch woordenboek, t. IV (Bruxelles, 1970), col. 290-329.

3. Dans mon article Les aumônes d'Aliénor, dernière comtesse de Vermandois et dame de Valois (f 1213), dans Revue Mabillon, t. 60, 1981-1984, p. 395-463, j'ai abordé et discuté ces différents points concernant la famille de Vermandois dans la deuxième moitié du xne siècle,

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A quelle date précise Raoul le Jeune mourut-il? L'historien de la famille de Vermandois, Borrelli de Serres, après avoir noté les divergences des auteurs anciens sur ce point, avait fait observer que la série des actes connus du jeune comte s'arrêtait à l'année 1163, exception faite d'une charte datée de 1167 dont il rejetait le texte comme corrompu dans sa transmission, tandis que, à partir de 1164, Philippe d'Alsace joignait à son titre de comte de Flandre ceux de comte de Vermandois et d'Amiens et de seigneur de Valois ; croyant alors que la chancellerie de Flandre usait dans son calendrier du style de Pâques et remarquant que le nécrologe du chapitre de Saint-Quentin faisait mention au 26 janvier d'un comte Raoul qui ne pouvait être le père du lépreux, il fixait la mort de Raoul le Jeune au 26 janvier 1164 (nouveau style)1. Cette conclusion fut ensuite retouchée par le biographe de Philippe d'Alsace, Joseph Johnen : la chancellerie de Flandre utilisait en réalité le style de Noël, et, comme l'un des actes de Philippe, comte de Flandre et de Vermandois, est daté du 1er janvier 1164, c'est dans le courant de 1163, sans doute vers la fin de l'année, sans qu'on puisse préciser davantage, qu'il faut placer le décès de Raoul le Lépreux et la transmission de ses terres à Philippe 2.

Chose curieuse, ni l'un ni l'autre des deux historiens qui ont étudié avec le plus d'attention cette question ne s'est étonné que la lèpre, dont les progrès sont généralement lents, surtout sous les latitudes septentrionales, eût entraîné une mort somme toute assez rapide. Car en 1163, au moins au début de l'année, Raoul était certainement en bonne santé : une charte de cette année-là évoque sa chevalerie, qui paraît toute récente 3, et le mariage célébré avec Marguerite d'Alsace ne saurait être de beaucoup antérieur à cette date. Ne faudrait-il donc pas accorder créance au texte d'une chronique de la fin du

en réservant cependant le problème de la succession de Raoul le Jeune ; j'y renvoie une fois pour toutes. Sur le mariage de Raoul le Jeune, voir la Continuatio Claromariscensis de la Flandria generosa, éd. Ludwig Conrad Bethmann, dans M.G.H., SS., t. IX, p. 327, 1. 7- 9 : « Margareta [fîlia Theoderici] quoque nupsit Radulfo filio predicti comitis Radulfi ; quo leproso facto et antequam earn more uxores ducentium cognovisset mortuo, nupsit iterum Balduino Haynoensi comiti... »

1. L.-L. Borrelli de Serres, La réunion, p. ix-xin.

2. J. Johnen, Philipp con Elsass, p. 364-368. Sur le commencement de l'année en Flandre, la juste remarque de J. Johnen est confirmée par les travaux ultérieurs : Walter Prevenier, Un problème de chronologie : la transition du style de Noël au style de Pâques dans la chancellerie des comtes de Flandre (1191-1205), dans Revue belge de philologie et d'histoire, t. 43, 1965, p. 556-571, et à part, Gand, 1965 (Studia historica Gandensia, 35).

3. Par cette charte, Raoul concède les défrichements opérés par les moines de Longpont sur ses fiefs et dans ses forêts depuis la mort de son père jusqu'au temps de sa chevalerie : Antoine Muldrac, Compendiosum abbatiae Longipontis Suessionensis chronicon, Paris, 1652, p. 51-52 (pour un texte plus complet et plus correct, voir le Registre G de Philippe Auguste, Arch, nat., JJ 7, fol. 134d-135a). Une telle détermination du laps de temps écoulé n'a guère de signification que si l'adoubement était un événement tout récent.

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xne siècle, la Continuatio Bruxellensis de la Flandria generosa? Selon l'auteur anonyme, Philippe aurait évincé son beau-frère malade avant qu'il fût mort 1 :

[Philippus films Theoderici] duxit uxorem Ysabelem filiam comitis Viromandensis. Qui, pâtre ejus defuncto, Radulfum fra- trem ejusdem uxoris sue, qui elephantie infirmitatem incurrerat, a Viromandensi comitatu expulit, et dictum comitatum Viro- mandensem, Ambianensem et de Valois cum prefata uxore sua optinuit, et per totam vitam uxoris sue pacifice possedit.

Ce témoignage, il est vrai, peut paraître assez tardif, puisqu'il a été évidemment rédigé après la mort d'Elisabeth de Vermandois (1182) et qu'il est donc postérieur d'une vingtaine d'années au moins à l'événement rapporté. Il contredit en outre les assertions de plusieurs autres chroniques qui évoquent la succession de Raoul le Jeune et montrent Philippe d'Alsace recueillant les comtés après la mort de son beau-frère lépreux2. Enfin, aux yeux de J. Johnen, l'éviction du jeune comte et la prise de possession de ses domaines avant son décès n'auraient pas manqué de susciter la plus vive résistance de la part de ses barons et l'opposition du roi lui-même3.

Pourtant, la Continuatio Bruxellensis se trouve appuyée, au moins pour l'essentiel, par un autre texte auquel, en raison de la qualité de son auteur et de la date de sa rédaction, on doit attacher une valeur particulière ; il s'agit d'un passage de l'ouvrage connu sous le nom <¥Historia pontificalis et qu'on s'accorde à attribuer à Jean de Salisbury. Après avoir narré comment, au concile de Reims de 1148, le pape Eugène III résolut l'épineux problème du divorce de Raoul l'Ancien en annulant son mariage, l'auteur note la présence à l'assem-

1. Continuatio Bruxellensis de la Flandria generosa, éd. L. G. Bethmann, dans M.G.H., SS., t. IX, p. 325, 1. 37-40.

2. Voir en particulier Gislebert de Mons, Chronicon Hanoniense, éd. Léon Vanderkindere, Bruxelles, 1904, p. 86-87 : « Radulphus autem Juvenis comes Viromandie egrotare cepit, et juvenis mortuus est. Radulpho vero Juvene comité Viromandiensi defuncto, Philippus comes Flandrie, qui sororem ejus primogenitam habebat Elizabeth uxorem, totam Viro- mandiam et Valesium obtinuit ». On relève des énoncés analogues dans la Continuatio Aqui- cinctina de la chronique de Sigebert de Gembloux (éd. L. G. Bethmann, dans M.G.H., SS., t. VI. p. 412, 1. 40-42), dans le Chronicon universale anonymi Laudunensis (éd. A. Car- tellieri et Wolf Stechele, Leipzig, 1909, p. 1), dans la Chronique dite de Baudouin d'Avesnes, qui dépend de Gislebert (éd. Johann Heller, dans M.G.H., SS., t. XXV, p. 443-444, recension B). Robert de Torigni s'exprime de manière plus ambiguë : « [Philippus], fratre uxoris suae Juniore Radulfo comité elefantia percusso, per uxorem fit dominus duorum comita- tuum, scilicet Viromandensis et Montis Disderii » (Chronique de Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel, éd. Leopold Delisle, t. I, Rouen, 1872, p. 349).

3. J. Johnen, Philipp von Eisass, p. 365.

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blée synodale de saint Bernard et raconte la malédiction que ce dernier aurait prononcée à l'adresse du comte de Vermandois 1 :

Interfuit vir sanctissimus et précepte auctoritatis dominus Ber- nardus, abbas Glarevallensis et comitis Theobaldi2, pro cultu jus- ticie et honestatis titulo et religionis veneratione et beneficentia in pauperes Christi, vehementissimus amator. Hic, videns comi- tem Radulfum diu scandalizasse ecclesiam et adhuc in contubernio a tribus apostolicis condempnato 3 permanere, dixit, sicut multi tes- tantur adhuc, nescio si ex indignatione quam zelus accenderet sive in spiritu prophétie, quod nunquam erat de lecto illo soboles egressura que laudabilem fructum f aceret in populo Dei, et quod diu non erant adinvicem gavisuri. Vaticinium pro parte impletum est. Illa namque non diu supervixit ; pepererat tarnen filium et duas filias : sed filius, in puericia leprosus factus, miserrimus vivit adhuc ; filie ejus nupserunt altéra comiti Flandrensi, altéra Ni- vernensi, sed nulla earum adhuc sustulit prolem, licet tempore multo maritis cohabitaverint. Cornes autem Radulfus terciam duxit uxorem filiam Theodorici comitis Flandrorum nomine Lauram4. Post non multum tempus, de gravi convalescens in- firmitate, a medico qui eum curaverat sub interminatione mortis accedere prohibitus est ad uxorem ; at ille, ut erat uxorius, accessit. Quod cum medicus deprehendisset in urina, precepit ut disponeret domui sue, quia erat infra triduum moriturus ; unde verbo viri Dei creditur amplius in hiis que complenda restant, et, quod frequens est, ex eo vicio periit oui ardentius inservivit ; ei namque libido semper dominata est. Sic ad Philippum comitem Flandrie, licet proceribus invitis, per Serenissimi régis benivo- lentiam Veromannensis devolutus est comitatus.

Dans ce texte, cité ici tout au long pour qu'en apparaissent clairement la nature et la tonalité, ce ne sont ni la malédiction pesant

1. Jean de Salisbury, Historia pontificalis, éd. Reginald Lane Poole, Oxford, 1927, p. 15- 16. L'édition plus récente de Marjorie Chibnal, John of Salisbury's Memoirs of the Papal Court, Londres, etc., 1956, p. 14-15, reprend le texte de R. L. Poole en l'accompagnant d'une traduction anglaise. La première édition de la chronique (encore anonyme), due à Wilhelm Arndt, dans M.G.H., SS., t. XX, p. 520-521, quoique antérieure à leurs travaux, a été ignorée aussi bien de L.-L. Borrelli de Serres que de J. Johnen.

2. Thibaud II, comte de Champagne, proche parent de la première femme de Raoul l'Ancien.

3. Le divorce de Raoul, bien que la nullité de son mariage eût été prononcée par trois évêques, lui avait valu d'être excommunié successivement par Innocent II, Lucius II et Eugène III.

4. Laure ou Laurette, fille aînée de Thierry d'Alsace, demi-sœur de Philippe et de Marguerite, alors veuve d'Iwan d'Alost.

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sur Raoul l'Ancien, ni les détails quelque peu scabreux relatifs à sa mort qui intéressent notre propos, mais les faits connus de tous que Jean de Salisbury rappelle à l'intention de ses lecteurs : 1) Raoul le Jeune, lépreux, est toujours vivant au moment où il écrit ; 2) ses sœurs, bien que mariées depuis longtemps, l'une au comte de Flandre, l'autre au comte de Nevers, n'ont pas encore procréé d'enfants ; 3) malgré l'hostilité des grands et grâce à la bienveillance du roi, ce qui prévient les objections que devait opposer J. Johnen, Philippe d'Alsace a pris possession des domaines de son beau-frère. Le deuxième point permet de dater avec une relative précision la rédaction du texte : Aliénor, devenue veuve le 7 avril 1163 de son premier mari, Godefroid d'Ostrevant, auquel elle n'avait d'ailleurs été unie que fort peu de temps, n'a pas pu épouser Guillaume IV de Nevers avant 1164, et son second mari est mort en Terre Sainte en octobre 1168. Ce n'est donc, selon toute apparence, qu'en 1167 ou 1168 que Jean de Salisbury a pu employer les mots tempore multo pour caractériser la durée de ce mariage1.

Si on admet ce témoignage — et Jean de Salisbury a toujours passé pour un bon observateur de la France du nord, dont il avait longuement fréquenté les écoles durant sa jeunesse et où il vivait depuis qu'en 1163 ou 1164, entraîné dans le conflit qui opposait Thomas Becket à Henri II, il avait dû quitter l'Angleterre2 — on est amené à reconnaître que, vers 1167, Raoul le Jeune, frappé de la lèpre, était encore vivant alors même que Philippe d'Alsace s'intitulait depuis trois ans comte de Vermandois. Dans ces conditions, il faut reprendre l'étude d'une charte, datée précisément de 1167 (pièce justificative

1. Je ne prétends pas régler ainsi définitivement le problème de la date de rédaction de YHistoria pontificalis dans son ensemble ; l'ouvrage a pu être écrit en plusieurs étapes. Mais je ne parviens pas à accepter l'opinion de Marjorie Chibnal (éd. cit., p. 14, n. 2), suivant laquelle ce texte aurait été rédigé en 1164 et s'expliquerait par le fait que Jean de Salisbury considérait globalement la durée des deux mariages d'Aliénor. La première union de celle-ci ne s'est pas prolongée au-delà de quelques mois et la seconde n'a pas pu commencer avant cette même année 1164 : cela paraît bien insuffisant pour justifier l'expression tempore multo.

2. Résumé de la vie et bibliographie abondante dans l'article de David Edward Lus- combe, Jean de Salisbury, dans Dictionnaire de spiritualité, t. VIII (Paris, 1974,) col. 716- 721. Dans les années qui ont suivi son retour sur le continent, Jean a été l'hôte de Pierre de Celle, alors abbé de Saint-Remi de Reims. Au moment de la rédaction du texte étudié ici, peut-être était-il déjà chanoine de Noyon : en 1169, en effet, il était certainement membre du chapitre cathedral de cette ville, dont le diocèse coïncidait en grande partie avec le comté de Vermandois, et sa souscription (signum magistri Johannis de Salisbiria) apparaît parmi celles d'autres chanoines dans une charte de l'évêque (cartulaire de la grange cistercienne de Héronval, Bibl. nat., lat. 11005, p. 42-43). Ce canonicat de Noyon semble avoir échappé aux divers biographes de Jean de Salisbury ; une enquête systématique dans les listes de témoins des chartes émanant de l'évêque et du chapitre serait nécessaire pour en préciser les limites chronologiques.

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n° 1), que Borrelli de Serres avait écartée de sa documentation comme peu sûre1 : sans doute aurait-il hésité davantage à la récuser s'il avait reconnu dans le recueil qui l'a transmise la main de Roger de Gaignières, dont les transcriptions se recommandent habituellement par leur exactitude.

Selon cette charte, Raoul, comte de Vermandois, investit l'abbaye de Longpont d'un terrage que Gérard de Quierzy a vendu aux moines, ce qu'approuve également (laudavit similiter) le comte de Flandre Philippe. Celui-ci intervient, il faut le souligner fortement, non comme un simple témoin, mais en homme qui a autorité pour approuver l'investiture. Or, de deux choses l'une : ou bien Raoul est mort en 1163 et, en ce cas, la date de la charte a été mal transmise, comme l'a pensé Borrelli de Serres, elle n'est pas postérieure à 1163, mais on ne voit absolument aucune raison qui permette à Philippe d'Alsace d'intervenir dans une affaire féodale intéressant le Valois ; ou bien la date est exacte (ce qui est corroboré par un autre acte relatif à la même vente, passé sous le sceau de l'évêque de Soissons Hugues de Champ- fleury en 1168 2) et alors il faut admettre qu'à ce moment deux personnages portaient simultanément le titre de comte de Vermandois et agissaient en cette qualité, Raoul le Jeune et Philippe d'Alsace.

Cette conclusion reçoit à son tour confirmation d'une autre charte malheureusement non datée (pièce justificative n° 2), dans laquelle les deux beaux- frères prennent tour à tour l'appellation de comte de Vermandois : Raoul, qui donne en aumône à divers bénéficiaires des rentes assises sur le travers et les moulins de Crépy-en- Valois et qui subordonne cette distribution à l'agrément de Philippe, et Philippe lui-même, qui intervient avec son épouse pour donner son accord 3.

1. L.-L. Borrelli de Serres, La réunion, p. x : l'acte daté de 1167 « n'est connu que par une transcription dans un cartulaire, à laquelle on ne peut se fier. Le premier témoin aurait été 'Raoul, comte de Flandre', personnage qui n'a pas existé ». L'auteur a été distrait dans sa lecture, car la transcription porte bien le nom de Philippe, sous son abréviation habituelle (phs surmonté d'un tilde) ; en outre, ce comte de Flandre n'est pas un simple témoin de la charte, mais il agit, comme on le verra, avec autorité pour l'approuver.

2. Texte édité ci-dessous, p. 90, note 1. Cette charte, qui promulgue la vente du ter- rage, devrait logiquement être antérieure à la concession d'investiture, ou en être contemporaine. Mais elle paraît avoir pour objet principal moins la vente elle-même, déjà conclue, que l'approbation donnée à celle-ci par la femme de Gérard, Agnès, et par son frère, Nive- lon de Quierzy, futur évêque de Soissons.

3. La charte ne figure pas dans le catalogue des actes de Philippe d'Alsace dressé par Hubert Coppieters-Stochove, Régestes de Philippe d'Alsace, comte de Flandre, dans Annales de la Société d'histoire et d'archéologie de Gand, t. 7, 1906, p. 1-117, ni dans les suppléments apportés par Hubert N[élis], Chartes inconnues de Philippe d'Alsace, dans Annales de la Société d'émulation de Bruges, t. 68, 1925, p. 144-154, par Emile Brouette, Supplément aux régestes de Thierry et de Philippe d'Alsace, dans Handelingen van het Genootschap voor ge- schiedenis gesticht onder de benaming Société d'émulation te Brugge, t. 93, 1956, p. 65-69, et par le même, Nouveau supplément aux régestes de Thierry et de Philippe d'Alsace, dans Revue du Nord, t. 46, 1964, p. 5-8.

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Ainsi donc, en 1163, Raoul le Jeune, comte de Vermandois, fut atteint de la lèpre et son mariage avec Marguerite de Flandre s'en trouva rompu. Le problème du gouvernement de ses comtés se posa et la solution qui prévalut fut de remettre les provinces à son beau- frère Philippe d'Alsace, dont la femme devait de toute façon hériter un jour de Raoul, désormais privé de l'espoir d'une descendance, et qui prit le titre de comte de Vermandois sans attendre la mort du malade. Une telle situation, qui renforçait de façon considérable l'étendue des domaines et la puissance personnelle du comte de Flandre, ne fut pas acceptée de bon gré par les grands du royaume, mais Louis VII accorda cette faveur à son redoutable vassal, dans l'espoir, sans doute, de se le gagner ainsi et de le détacher de l'alliance anglaise vers laquelle l'entraînaient ses liens familiaux1. Raoul continua à porter lui aussi le titre de comte de Vermandois, mais le petit nombre des actes passés à son nom et conservés montre qu'il n'intervint que très rarement dans l'administration de ses domaines. Telle est la conclusion qui se dégage des deux textes de chroniques cités plus haut et des deux chartes éditées. Toutefois, l'affirmation de la Continuatio Bruxellensis suivant laquelle Philippe aurait chassé (expulit) son beau-frère du comté de Vermandois, avec l'image de violence et d'usurpation qu'elle évoque, ne répond peut-être pas exactement à la réalité : le jeune lépreux, qui conserva son titre et exerça encore au moins deux fois ses prérogatives, a fort bien pu consentir à un partage de la dignité comtale qui préservait l'intégrité de l'héritage paternel.

Combien de temps dura cette situation? Une fois écartée l'année 1163 pour le décès de Raoul le Jeune, on serait tenté d'ajouter foi à une épitaphe qu'on lisait au xvne siècle dans le cloître de l'abbaye de Longpont, sur la tombe commune de Raoul et de sa sœur Aliénor qui fut la dernière comtesse de Vermandois. Selon le texte de cette inscription2, Raoul serait mort le 15 des calendes de juillet (17 juin)

1. Voir la lettre adressée à Louis VII par un correspondant anonyme, dans laquelle se manifeste, à propos du Vermandois précisément, le jeu de Philippe d'Alsace entre le roi de France et celui d'Angleterre, et que son éditeur, dom Brial, a datée de 1163 : Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XVI, p. 64. Philippe était, par sa mère, le cousin germain du roi Henri II, et sa femme était la nièce de la reine Aliénor.

2. A. Muldrac, Chronicon, p. 176-177 : « Hic jacent Radulphus Junior ejusque soror Elienor, Viromandiae ac Valesiae comités, Radulphi Senioris hujus domus fundatoris li- beri, qui obierunt, Radulphus quidem 15 calendas julii 1176, Elienor autem 11 calendas julii 1214 ». A. Muldrac notait que cette épitaphe était plus récente, mais sans qu'on puisse lui attribuer aujourd'hui une date précise, qu'une autre inscription, en vers, dont il a aussi

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1176 et Aliénor le 11 des calendes de juillet (21 juin) 1214. Certes, les mois et les quantièmes correspondent aux indications fournies par le nécrologe de Longpont1 et on doit les tenir pour exacts2 ; mais l'épi- taphe est fausse en ce qui concerne l'année de la mort d'Aliénor, qui disparut en réalité en 1213 3, et l'on doit craindre qu'il en soit de même pour celle de Raoul. Le moine Muldrac, qui nous a transmis ce texte, observait que, dans le chartrier de Longpont, le premier acte de Philippe d'Alsace portant le titre de comte Vermandois datait de 1177, alors que, l'année précédente, il ne se donnait que celui de comte de Flandre ; et Muldrac pensait qu'était ainsi corroborée la date fournie par l'épitaphe4. Ce raisonnement pèche, on le sait, puisque Philippe s'est en réalité appelé comte de Vermandois dès le 1er janvier 1164. Et l'on peut se demander si, à l'inverse de la démarche de Muldrac, la date de 1176 n'a pas été précisément calculée par l'auteur de l'inscription, travaillant à une époque tardive à partir des éléments de documentation dont il disposait au monastère. Mieux vaut donc ne pas faire fond sur ce texte.

Il n'est pas impossible qu'on retrouve encore d'autres traces de l'activité de Raoul le Lépreux après 1163, qui permettraient de mieux cerner les dernières années de sa vie. Mais on peut dès maintenant tenir pour acquis que, en raison de sa maladie, il a partagé durant plusieurs années avec le mari de sa sœur Elisabeth, Philippe d'Alsace, comte de Flandre, son titre de comte de Vermandois et de seigneur de Valois.

Louis Duval-Arnould.

donné le texte ; cette dernière, qui remonte sans doute à la mort d'Aliénor et à l'édification du tombeau, ne fournit malheureusement aucune indication chronologique sur les deux décès ; voir L. Duval-Arnould, Quelques inscriptions funéraires de l'abbaye de Longpont, dans Mélanges à la mémoire du Père Anselme Dimier, t. II, vol. 4, sous presse. L'épitaphe en prose a été aussi relevée par Gaignières (Bibl. nat., lat. 5470, feuille volante cotée B, collée sur le feuillet intercalaire après la p. 4), et publiée d'après cette copie par Alexandre-Eusèbe Po- quet, Monographie de Vabbaye de Longpont, Longpont et Paris, 1869, p. 134.

1. A. Muldrac, Chronicon, p. 61, 177 ; Bibl. nat., lat. 5470, p. 290 (copie de Gaignières) ; ibid., Collection Clairambault, vol. 561, p. 421 (copie de Jean-Baptiste de Machault).

2. Mêmes mois et quantièmes pour Aliénor dans l'obituaire du chapitre cathedral de Soissons (A. Muldrac, Chronicon, p. 177), pour Raoul dans l'obituaire de Saint- Jean-aux- Bois (André Philippe, L'abbaye de Saint- Jean- aux- Bois [1132-1634], étude archéologique... suivie de l'obituaire de l'abbaye, Gompiègne, 1931, p. 184 ; Aliénor est associée à son frère à la date du 17 juin).

3. Une charte de Philippe Auguste d'août 1213 cite Aliénor comme défunte (Recueil des actes de Philippe Auguste, roi de France, t. III, éd. Jacques Monicat et Jacques Bous- sard, Paris, 1966, p. 445-446, n° 1307) ; cf. L.-L. Borrelli de Serres, La réunion, p. lxx- lxxxix.

4. A. Muldrac, Chronicon, p. 60-61.

90 LOUIS DUVAL-ARNOULD

PIÈGES JUSTIFICATIVES

I

1167

Gérard de Quierzy ayant vendu aux moines de Longpont un terrage que ceux-ci lui versaient pour la terre des Mesnils, Raoul, comte de Vermandois, du fief de qui relevait la terre, investit les moines de ladite terre et du terrage, avec V approbation de Philippe, comte de Flandre1.

A. Original perdu.

B. Extraits copiés par Roger de Gaignières en 1692, d'après l'original « sellé en c[ire] j[aune] ». Paris, Bibl. nat., lat. 5470, p. 107.

In nomine [...]• Ego Radulfus, Viromandorum cornes. Notum [...] Ge- rardum de Chirisiaco 2 vendidisse fratribus Longi Pontis 3 terragium quod- dam octo modiorum et xvi aissinorum, medietatim (sic) frumenti et avene, quod eidem Gerardo dicti fratres de terra Maisniliorum 4 annuatim exsol- vebant. Dederunt ei fratres ccxl libras, quas ipse dédit filio Gervasii de Basocheis5 pro conjunctione filie sue6. Et cum terra de feodo meo erat, Gerardus in manu mea reddidit, présente ipso Gerardo et amicis ejus quos secum adduxerat, Radulf o scilicet Revello 7 et Guidone de Dunjun 8, Er- nulfo quoque Bugrensi 9 et aliis. De ipsa terra et ejus terragio dictos fratres investivi. Hoc similiter laudavit Philippus, cornes Flandrensis. Testes : Rocelinus capellanus, Theobaldus de Grispeio10, Radulfus Revellus, Guido

1. La vente du terrage est connue par un autre acte, passé en 1168 sous le sceau de l'évêque de Soissons Hugues de Champfleury, dont Gaignières a copié des extraits : « In nomine [...]. Ego Hugo Suess[ionensis] episcopus [...] Girardus de Ghirisiaco dédit fratribus Longi Pontis, tam precio quam elemosina, terragium suum de terra que dicitur Maisniliorum, de quo ei dederunt CCXL libras, quas idem Girardus dédit Nicholao de Basolicis pro conjugio Agnetis filie sue, quam duxit in uxorem. Hec Girardus recognovit et laudare fecit ab uxore sua Agnete et fratre suo Nivelone. Testes : Albricus vicecomes de Buceio, Escotus de Val- buin, Odardus de Camelio, milites ; Robertus, Adam Bruslart, monachi de Longo Ponte. MCLXVIII » (Bibl. nat., lat. 5470, p. 113, d'après l'original scellé). Ce texte, comme celui de l'acte de 1167, est cité par William Mendel Newman, Les seigneurs de Nesle en Picardie (XIIe XIIIe siècle), leurs chartes et leur histoire, Paris, 1971 (Bibliothèque de la Société d'histoire du droit des pays flamands, picards et wallons, 27), t. I, p. 127, note e.

2. Sur Gérard ou Girard III de Quierzy (Aisne, cant, de Coucy-le-Château), voir W. M. Newman, op. cit., t. I, p. 159, note e.

3. Longpont (Aisne, cant, de Villers-Cotterêts), abbaye de l'ordre de Cîteaux.

4. Les Mesnils, lieu-dit non identifié, mais certainement proche de Longpont.

5. Sur Gervais de Bazoches (Bazoches-sur-Vesles : Aisne, cant, de Braine), voir W. M. Newman, op. cit., t. I, p. 127, note d.

6. Agnès de Quierzy, épouse de Nicolas Ier de Bazoches, fils de Gervais (ibid., t. I, p. 127, note e).

7. Raoul Revel, sénéchal du comte de Soissons Ives de Nesle (ibid., t. II, p. 160, note 5}.

8. Gui du Donjon tenait le château d'Oulchy (Oulchy-le-Château : Aisne, ch.-l. de cant.) pour le comte de Champagne (Auguste Longnon, Documents relatifs au comté de Champagne et de Brie, t. I, Paris, 1901, p. 31, n° 845).

9. Arnoul le Bougre, témoin de nombreux actes des comtes de Vermandois et seigneurs de Valois.

10. Thibaud III de Crépy (Crépy-en- Valois : Oise, ch.-l. de cant.) ; voir W. M. Newman, op. cit., t. II, p. 67-68, note e.

LE COMTE LÉPREUX RAOUL DE VERMANDOIS 91

de Dunjun, Ernulfus li Bugres, Rogerus de Mundisder1 et Ernulfus frater ejus, Michael de Colloliis2. MGLXVII.

II

[1163-1167...]

Raoul, comte de Vermandois, répartit entre divers bénéficiaires, à titre d'aumône, une rente globale de 10 livres de provinois sur le travers de Crépy-en- Valois et de 10 muids de froment sur les moulins de la même ville. Philippe, comte de Flandre et de Vermandois, et sa femme confirment la donation.

A. Original perdu.

B. Copie du xvme siècle par Dom Grenier, d'après « un vidimus du dimanche jour des Brandons 1357/8 [18 février 1358] en original aux archives du prieuré de St. Arnoul de Crépy, case de Pondront, cotte 1 ». Paris, Bibl. nat., Coll. de Picardie, vol. 177, fol. 96.

C. Copie au net par Dom Grenier, d'après B. Paris, Bibl. nat., Coll. Moreau, vol. 70, fol. 159r-v.

In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti, amen. Noverint universi présentes et futuri quod ego Radulphus, cornes Viromandensis, consilio hominum meorum constitui elemosinam fieri singulis annis pro animabus patris et matris mee. Igitur in festo sancti Remigii accipientur annuatim de transverso Crispeii3 x libre peruvinensis (sic) monete et totidem modii tritici de molendinis ejusdem castri et in anniversario patris mei, quod agi- tur in die sancti Calixti pape4, distribuentur ecclesiis et pauperibus hoc modo : monachi de Crispeio 5 habebunt xxx solidos et i modium tritici, et in vivario de Ponte Rotundo 6 piscabuntur uno die per annum, si volun- tas comitis Flandrensis Philippi et Viromandensis afîuerit ; infirmi qui sunt in eadem villa7 et pauperes tam clerici quam laici, xxx solidos et n modios tritici ; monachi de Longo Ponte 8, ni modios tritici ; moniales Sancti Johannis de Bosco 9, xx solidos et i modium tritici ; canonici de Valle Serena10, xv solidos; sorores de Javagiis11, xv solidos ; canonici de Loco Res-

1. Roger de Montdidier (Somme, ch.-l. d'arr.) est aussi témoin de la charte II.

2. Goyolles : Aisne, cant, de Villers-Cotterêts.

3. Crépy-en-Valois : Oise, ch.-l. de cant.

4. Le 14 octobre, jour de la mort du comte Raoul l'Ancien en 1152.

5. Les moines de Saint- Arnoul, prieuré de l'ordre de Gluny, à Crépy-en-Valois. Les parents de Raoul le Jeune étaient inhumés dans leur église.

6. Pontdron : Oise, cant, de Crépy-en-Valois, comm. de Fresnoy-la-Rivière.

7. Le mot infirmi pourrait bien désigner ici, plutôt que les malades ordinaires, les lépreux, qui formaient une véritable communauté ; l'hôpital de Crépy n'a été fondé qu'en 1182.

8. Longpont (Aisne, cant, de Villers-Cotterêts), abbaye de l'ordre de Cîteaux.

9. Saint-Jean-aux-Bois (Oise, cant, de Gompiègne], abbaye de moniales noires.

10. Valsery (Aisne, cant, de Vie-sur- Aisne, comm. de Cœuvres-et-Valsery) , abbaye de l'ordre de Prémontré.

11. Javage (Aisne, cant, de Villers-Cotterêts, comm. de Faverolles), monastère féminin de l'ordre de Prémontré, dans la mouvance de Valsery.

92 LOUIS DUVAL-ARNOULD

taurato1, xx solidos et i modium tritici ; moniales de Colinanciis2, xx so- lidos et i modium tritici ; moniales de Monasteriolo 3, xx solidos ; moniales de Fontissumma 4, [xx] solidos5; moniales de Mornenval6, x solidos; in- firmi de Firmitate 7, n minas tritici ; monachi de Firmitate 8, n minas tritici ; monachi de Villers 9, v minas tritici ; monachi Sancti Nicholai in Cui- sia10, ni minas tritici. Ut autem ratum et fîrmum permaneat, ego Philip- pus, Flandrensis et Viromandensis cornes, et uxor mea, hanc elemosinam concedentes, in confirmationem sigilla nostra apponimus, Mis testibus : Ivone comité Suessionensi11, Rogero de Monte Desiderii 12, Rosselino capel- lano, Thoma minario, B. Sancti Audomari preposito13, E[ustachio] came- rario14, G[ualtero] de Attrabato15.

1. Lieu-Restauré (Oise, cant, de Grépy-en- Valois, comm. de Bonneuil-en-Valois), de l'ordre de Prémontré.

2. Gollinance (Oise, cant, de Betz, comm. de Thury-en- Valois), prieuré de l'ordre Fontevrault.

3. Montreuil (Aisne, cant, de la Capelle-en-Thiérache, comm. de Rocquigny), féminine de l'ordre de Cîteaux (plus tard transférée près de Laon).

4. Fonsomme (Aisne, cant, de Saint-Quentin), abbaye féminine de l'ordre de appelée également Fervaques.

5. Le chiffre de XX solidos est une conjecture, les copies de Dom Grenier portant X solidos. Nous possédons en effet le texte d'une charte de mars 1254 par laquelle les de Fonsomme vendirent aux cisterciens de Longpont une rente de 20 sous de payables à la Saint-Remy sur le travers de Crépy, « ex elemosina facta nobis a nobili R[adulfo], quondam comiti Viromandie », et cette charte est rédigée exactement dans mêmes termes qu'une vente identique faite un peu plus tard (mars 1258 ou 1259) par moniales de Montreuil (Bibl. nat., Coll. Moreau, vol. 175, fol. 80, et vol. 181, fol. 127 ; Coll. de Picardie, vol. 24, p. 229-230 et 235 ; toutes ces copies dérivent directement ou indirectement d'un cartulaire de Longpont aujourd'hui perdu) : il est difficile de ne pas dans la rente vendue par Fonsomme, celle qui a été instituée par l'acte édité ici. On donc hésiter, pour le montant de la rente donnée à Fonsomme, entre les 10 sous de la de Dom Grenier et les 20 sous du cartulaire perdu. Mais si l'on optait pour les 10 sous, somme des rentes en argent instituées n'atteindrait que 9 livres et 10 sous de soit précisément 10 sous de moins que le total de 10 livres annoncé par l'auteur de

6. Morienval (Oise, cant, de Grépy-en-Valois), abbaye de moniales noires.

7. La Ferté-Milon (Aisne, cant, de Neuilly-Saint-Front) ; comme plus haut (p. 91, n. il pourrait s'agir ici des lépreux plutôt que d'autres malades ; l'hôpital de la n'a été fondé qu'après 1182.

8. Moines de la Madeleine, à la Ferté-Milon, prieuré dépendant de l'abbaye de noirs de Saint-Faron de Meaux.

9. Villers-les-Moines (aujourd'hui Saint-Remy : Aisne, cant, et comm. de terêts), prieuré de moines noirs dépendant de la Chaise-Dieu.

10. Saint-Nicolas-de-Courson (Oise, cant, de Grépy-en- Valois, comm. de Morienval), la forêt de Cuise ou de Compiègne, prieuré de moines noirs dépendant de la Chaise-Dieu.

11. Ives de Nesle, comte de Soissons.

12. Roger de Montdidier (Somme, ch.-l. d'arr.) est aussi témoin de la charte I.

13. Le prévôt de Saint-Omer (Pas-de-Calais, ch.-l. d'arr.) ; l'initiale de son nom est être erronée, et l'on devrait lire alors R[oberto] : un Robert, prévôt de Saint-Omer, est effet attesté parmi les témoins des actes de Philippe d'Alsace de 1160 à 1169 (H. Stochove, Régestes de Philippe d'Alsace, n0B 12, 61-63, 65, 71-72).

14. Eustache de Grammene, chambrier de Philippe d'Alsace, est attesté parmi les témoins de celui-ci de 1160 à 1190 (ibid., passim; É. Brouette, Nouveau supplément, n° 3).

15. Gautier d'Arras est un témoin habituel de Philippe qui apparaît dans de actes datés de 1166 à 1183 (H. Coppieters-Stochove, Régestes de Philippe d'Alsace, passim; H. Nélis, Chartes inconnues, p. 146 ; É. Brouette, Supplément, p. 69).