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Les certificats de décès du Vermandois








Le rapport de l'ambassadeur US en France

Ces rapports proviennent d'un site anglais .





Le rapport Payelle

Le rapport officiel français sur la conduite des Allemands lors du retrait sur la ligne Hindenbourg en Mars 1917

Ci dessous est reproduit le texte du rapport officiel français sur les allégations de conduite cruelle lors de la retraite allemande sur la ligne Hindenbourg au cours du printemps 1917.
La commission dirigée par Georges Payelle mena une enquête sur les destructions systématiques des villes et villages français traversés par les troupes armées.
Sans doute de manière inévitable, le rapport de Payelle accusa les Allemands d'actes de barbarie tant durant les préparatifs que lors de la retaite à grande échelle.
Le document de Payelle, comme on peut le comprendre, fut largement utilisé comme matériel de propagande aux fins d'enflammer le patriotisme des Français et Françaises qui liraient l'article. Pour un examen objectif, on lira aussi deux articles de journalistes allemands .Ils écartent les plaintes et accusations de destructions au nom de principes guerriers. On lira aussi les rapports des ambassadeurs US en Autriche-Hongrie et en France.
Le rapport de l'ambassade US à Vienne est dit avoir eu une grande importance dans la décision américaine survenue peu après de prendre part à la guerre contre l'Allemagne !.
Le rapport Payelle a fait l'objet d'un grand retentissement aux Etats Unis puisque le New York Time en a fait état . Voir l'article

Rapport officiel sur les exactions allemandes durant la retraite allemande du printemps 1917 par Georges Payelle (Président de la commission d'enquête)



Monsieur le Président,

Nous venons juste d'achever la traversée des régions de l'Oise, Aisne et de la Somme qui, après avoir été sous occupation allemande pendant 30 mois, viennent d'être libérées d'un joug abominable et destructeur depuis peu.
Chaque détail de ce spectacle de dévastation découvert par nos yeux horrifiés révèle une méthode si implacable et systématique qu'il est impossible de ne pas reconnaître l'exécution d'un plan rigoureusement élaboré.
La mise en esclavage des citoyens, la déportation des femmes et des jeunes filles, l'anéantissement des villes et villages, la mise en ruine des industries par les destructions des usines, la désolation de l'agriculture par la casse des engins , l'incendie des fermes , la coupe des arbres, tout a été engagé en même temps, avec une férocité généralisée de manière à créer la pauvreté, inspirer la terreur et plonger chacun dans le désespoir.
Dans la majorité des lieux visités, l'ennemi , au début de son occupation, ne semble pas avoir succombé à des excès sanguinaires comparables à ceux réalisés lors de sa furieuse pénétration en Lorraine et Champagne.
Des meurtres et des atteintes graves à la personne nous ont été cependant signalés dans de nombreuses places .
Même si les assassinats n'ont pas dû être nombreux dans les cantons que nous avons traversés jusque là, l'occupation a certainement été d'une nature implacable. Les réquisitions furent de règle, partout et sans aucun répit. Les communes durent contribuer à la subsistance des troupes cantonant sur leur territoire et furent sommées de payer d'énormes rançons. Pour assurer ces paiements, quand leurs ressources furent épuisées, elles furent obligées de constituer des unions de communes afin d'émettre du papier-monnaie sous la forme de warrants. Les maires qui refusèrent de se joindre à ces regroupements furent arrêtés et extradés en Allemagne. L'ennemi conféra force légale à ces titres et les mit en circulation lui-même. Les habitants furent l'objet de mesures vexatoires permanentes et constatèrent chaque jour le vol de leurs maigres provisions ainsi que des ustensiles les plus nécessaires à la vie courante. Dans les magasins, les officiers et les soldats saisirent comme de droit tout ce qui leur convenait . Ainsi à Ham, dans la quincaillerie Gronier, un officier de haut rang , se disant le Grand Duc de Hesse, vint un jour choisir de nombreux articles pour le paiement desquels il s'engagea simplement à envoyer un warrant, qui ne fut jamais réceptionné !
De manière permanente, nos malheureux concitoyens eurent à supporter des atteintes à leur droits et à la simple dignité comme les ordres d'être chez eux à 7 heures du soir, , de ne pas sortir avant 8 heures du matin, l'interdiction d'allumer la lumière pendant la nuit, l'obligation d'ôter son chapeau devant les officiers, les corvées obligatoires dans les champs, toutes infractions punissables par emprisonnement et par amende, même pour les plus insignes et justifiées par des réglementations multiples volontairement tracassières.
Mais rien ne surpasse les abominations qui eurent lieu dans certaines communes, comme celle de Fréniches, où un jour de mai 1915,toutes les jeunes filles du village furent convoquées dans la maison que les médecins militaires occupaient et furent l'objet d'examens dégradants commis avec violence et en dépit de leurs cris de protestation .
En février 1917, c'est-à-dire durant la période de préparatifs du retrait , l'occupant commit une destruction généralisée barbare , qui est maintenant connue du monde entier et soulève l'indignation de la conscience universelle. Il y avait déjà eu des déportations de nombreux habitants, brisant sans pitié les familles, vers les camps de travail d'Allemagne et du nord de la France et cela fut généralisé à toute la population des deux sexes de 16 à 60 ans apte à travailler à la seule exception des femmes avec de jeunes enfants. Elles furent appliquées dans toutes les communes avec la même rigueur et ont donné lieu à des scènes dramatiques. Parmi les 600 personnes déportées de Ham, quatre étaient hospitalisées. A Noyon, une semaine à peine après les premiers envois, le 17 février, les Allemands réquisitionnèrent 50 jeunes filles qui venaient d'être renvoyées de la région de Saint Quentin et emprisonnées en ville . Elles furent déportées vers le Nord malgré les pleurs et supplications de leurs parents terriblement inquiets. Ici aussi, comme dans beaucoup d'autres places, les médecins, pharmaciens et curés furent parmi les premiers promis à l'exil, et comme les pharmacies des hôpitaux furent vidées, comme tous les autres centres opératoires, par des pillages abusifs , les nombreux malades et invalides venant des environs ne reçurent ni soin, ni secours, en dépit de la charité publique, alors qu'ils en avaient un besoin urgent du fait de l'épuisement causé par la faim, le froid et le chagrin . Tous ces malheureux étaient arrivés à un stade tel que 7 à 8 d'entre eux mouraient chaque jour.
Ils avaient été chassés de leur lit et on ne leur avait pas laissé le temps de prendre des affaires. Parmi eux, des paralysés et des mourants, de nombreux nonagénaires et même une femme de 102 ans . La plupart du temps, les expulsions se firent avec une brutalité atroce.
Mme. Deprez, propriétaire du Château de Gibercourt, une des victimes de ces mesures impitoyables , souffrant d'une sérieuse insuffisance cardiaque, fut intimée de quitter son lit . L'officier insista pour qu'elle se lève et s'habille en sa présence, bien qu'elle l'ait prié de sortir. Elle décéda 12 jours après.
Mme Begue, une femme de Flavy-le-Martel, qui, elle aussi, souffrait de malaises cardiaques, sollicita de garder près d'elle ses deux jeunes enfants âgés respectivement de 7 et 5 ans qui se tenaient aux roues de sa charrette. Cette faveur lui fut refusée et les petits malheureux furent abandonnés au bord de la route. Une autre femme de la même commune était malade alitée quand on vint lui annoncer la déportation de son mari. Elle se leva aussitôt et, malgré le mouvement d'opposition d'un officier, arriva à se jeter dans les bras du prisonnier. Il dut partir sans même voir et embrasser ses enfants. La jeune femme fut chassée de Noyon et mise à l'hôpital, où elle plongea dans une profonde dépression. Le jour même de son arrivée, elle se jeta avec sa petite fille sous les roues d'une automobile. Par un secours de la providence, les infirmières arrivèrent à la sauver .
Les départs des habitants permirent à une armée déjà accoutumée aux brigandages d'entreprendre tout à loisir la démolition de tout ce qui avait échappé aux déprédations antérieures. " Nos concitoyens étaient à peine à 4 Km de là," nous a raconté M Dacheux, conseiller municipal faisant office de Maire à Guiscard ," que les camions arrivaient aux portes des maisons pour les vider."
A Ham, le chef de la Kommandantur prit bien soin de ne pas restituer une très belle table ancienne qu'il avait empruntée à la Mairie et le Général von Fleck pilla l'intégralité du mobilier de la maison de M. Bernot où il avait mis son quartier. Le vidage fut tel qu'à la fin du séjour du Général, il ne restait même plus une chaise pour s'asseoir et il fut amené à redemander des chaises à la commune.
A Noyon, tout au long de la période d'occupation , ce ne furent que pillages ininterrompus. De très nombreuses maisons furent mises à sac et laissées avec des intérieurs détériorés. Les cloches de la Cathédrale et les tuyaux des grands orgues ont été démontés et volés sur ordre du commandant de place. Les coffres-forts privés ont été ouverts à coup de tirs d'armes à feu dans le mécanisme de la serrure. Les 26 et 27 Février, deux soldats , accompagnés de deux officiers, sont venus ouvrir les coffres de la Société Générale au marteau-piqueur et prendre leurs contenus. Les même types d'opération furent menés à la banque Cheneau et Barbier ainsi qu'à la Banque Brière. Les livres de ces établissements furent saisis en même temps que les valeurs. Quand M. Brière exprima l'étonnement que même ses archives allaient lui être retirées et manifesta qu'elles n'étaient d'aucun intérêt pour personne excepté lui-même, , l'officier auquel il s'était adressé et qui se déclara l'émissaire de la Trésorerie de Berlin répondit simplement : " Mes ordres sont de vider les coffres et c'est ce que je fais." A Sempigny, qui est l'une des rares places où les maisons sont encore debout, on peut se faire une bonne idée des scènes de saccages qui eurent lieu.
Du premier mars, date à laquelle les habitants aptes aux travaux furent expulsés , jusqu'au départ des troupes d'invasion, le village fut l'objet d'incessants pillages.
Le spectacle est celui d'un zone dévastée par le passage d'une horde de brutes maniaques, tant il apparaît une sorte de frénésie dans la destruction de toutes les choses non transportables, enfonçant les bois de lits et les garde-robes avec des barres à mine, voire les valises,cassant la vaisselle, brisant les miroirs, rendant inutilisables les machines agricoles et les outils de jardin, souillant les semences et les céréales, volant toutes les pièces de mobilier jusqu'au Grand Autel dans l'église, mettant des ordures dans les tiroirs et armoires et laissant des excréments même dans les casseroles . Tous ces hauts faits sont l'oeuvre , pour une très large part , du 338ème Régiment d'Infanterie .

Chacun s'interroge avec stupéfaction pour savoir comment l'armée d'une nation qui se prétend civilisée peut avoir commis de tels actes ; mais encore plus consternant est de constater que ces soldats ont même violé les sépultures des morts. Dans le cimetière de Carlepont, la porte de la Chapelle donnant au caveau de la famille Graffenried-Villars, d'origine suisse, a été enlevée. Rien, à l'exception de parements en cuivre, n'a été laissé. Une pierre tombale a été soulevée et les ossements sont visibles par l'ouverture.
La tombe de la famille Caille a également été violée, avec pierre tombale cassée et ossements apparents.
A Candor, deux témoins ont surpris des Allemands en train de casser les tombes des familles Trefcon et Censier, de visiter le caveau de la famille Mazier dont le couvercle a été forcé. L'église dont ces cimetières relèvent, a été honteusement saccagée ; les Christ en croix d'argent ont été tordus et Mme Collery a enlevé elle-même les saletés dont les soldats avaient couvert la statue du saint A Roiglise, une excavation laisse un trou dans le pavage de la Chapelle Derreulx pour pouvoir accéder au caveau . On voit un cercueil dans un compartiment et des ossements dans l'autre. Ces dommages proviennent, sans conteste, d'actes criminels car il n'y a aucune trace de bombardement sur ces lieux. Après les pillages, les maisons, châteaux et fermes ont été détruits par minage à l'explosif ou furent incendiés voire démolis à la barre à mine . A Margny-aux-Cerises, la démolition a été réalisée avec l'aide d'un puissant bélier mécanique.
Annois, Flavy-le-Martel, Jussy, Frières-Faillouël et Villequier-Aumont n'éxistent plus. Chauny, ville industrielle de près de 11 000 habitants, n'est plus qu'un tas de ruines, à l'exception du faubourg du Brouage .
Après l' expulsion des habitants aptes au travail, le reste de la population , soit 1990 personnes, fut parqué dans un faubourg, avec quelque 3000 hommes et femmes des communes des environs , le 23 février 1917.
Le 3 mars, la Kommandantur donna l'ordre à tous ces déplacés de se rassembler le jour suivant à 6h du matin dans une des rues. Les malades et les infirmes n'étaient pas exemptés et plusieurs de ces personnes durent être transportées au point de rassemblement qui était à plus d'un kilomètre. Il fut procédé à un appel général et à une inspection qui dura pas moins de 6 heures, et durant laquelle un officier sélectionna trois hommes de plus, 21 femmes et un garçon de 13 ans pour la déportation dans le Nord. La température était glaciale et le jour suivant on compta la mort de 27 personnes. Aussitôt après le parquage des citoyens de Chauny au Brouage, les Allemands se livrèrent à des pillages débridés dans la ville, enlevant les meubles, forçant les fermetures, saccageant les églises ;puis , pendant quinze jours , procédèrent à la destruction méticuleuse de toutes les maisons par incendie et minage . Pendant les deux mois suivants, ils prirent note des dimensions de toutes les fondations de manière à savoir quelle quantité exacte d'explosif était nécessaire pour cette tâche infâme . A part des pans de murs, il ne reste rien de l'Eglise Saint Martin. A Notre Dame dont une partie seulement a été démolie par explosion, les troncs ont été cassés et on voit bien les marques laissées par les outils utilisés . Les serrures des placards de la boiserie du transept ont été forcées. Dans la sacristie, le désordre est indescriptible. ; les livres sont déchirés, les tiroirs tirés et des vêtements sacerdotaux maculés jonchent le sol. A partir du 10, l'ennemi après avoir entamé son retrait, bombarda le Brouage à l'aide de pièces d'artillerie placées sur les hauteurs de Rouy. La canonnade dura deux jours et demi et le bombardement fut centré sur l'Institut Saint Charles que les Allemands avaient affecté à l'asile des vieux et malades et sur les toits duquel ils avaient peint d'énormes croix rouges. Plusieurs personnes furent tuées et d'autres furent plus ou moins gravement blessées. Même dans les villes et villages qu'ils n'avaient pas complètement rasés, les Allemands s'employèrent energiquement à détruire toutes les usines et à ruiner l'agriculture. A Roye, par exemple, où les combats ont causé des dégâts irréparables, ils mirent le feu à la raffinerie de sucre et planifièrent la ruine des industries, en saisissant d'abord le bronze, zinc, plomb , cuivre et étain, puis en enlevant tous les mécanismes de valeur et en détruisant tous les moules et pièces fondues.
A Ham encore, où ils firent sauter le beffroi et le château, ils minèrent également les deux raffineries de M. Bocquet et Bernot, la distillerie Sébastopol , la raffinerie d' huile Dive et la Brasserie Serre.
Ces actes se reproduisirent à l'identique en maints endroits , notamment à Flavy-le-Martel et à Ourscamp qui sont des modèles de dévastation .
Presque partout, dans les vergers et jardins, les arbres fruitiers ont été abattus, sauvagement frappés ou dessouchés de manière à ce qu'ils ne produisent plus.
De longues lignées de peupliers gisent, sciés à la base, jonchent les champs voisins des routes . L'accès aux villages est interdit par des entassements de matériels agricoles définitivement irréparables. A proximité de la gare de Flavy-le-Martel, nous avons vu un vaste verger totalement versé et arasé pour entreposer un nombre considérable de charrues, charrettes, faucheuses, botteleuses, semeuses et broyeuses à l'état d'épave et impossibles à réparer. En voyant ces amoncellements de ruines, on ne peut croire que ces dégâts aient été effectués pour des motifs uniquement militaires, c'est bien l'intention de nuire qui est à l'origine des tels actes . Un médecin militaire allemand, le professeur Benneke, a dit un jour à Soeur St. Romauld, soeur supérieure de l'hôpital de Noyon : " Vous n'avez pas voulu accepter la paix, c'est pourquoi nous faisons la guerre aux civils "; et à Guiscard, un officier non en mission, qui semblait intelligent et bien éduqué s'est exprimé ainsi : " Comme la paix proposée par l'Allemagne a été rejetée, la guerre va entrer dans une nouvelle phase. A partir de maintenant, nous ne respecterons plus rien !. ".
Ces propos révèlent une bien piètre psychologie. Nulle part, en effet, chez ceux qui ont subi de telles cruautés, nous n'avons remarqué de signes de lassitude et de découragement ; ni n'avons rencontré d'autres sentiments que ceux de la foi en la patrie et d'une détermination absolue à obtenir par la victoire la réparation de ces crimes abominables !

Tiré et traduit des Rapports de la Grande Guerre. Vol. V, ed. Charles F. Horne, National Alumni 1923







L'article du journaliste Georg Querl

Le retrait sur la ligne Hindenburg
par le journaliste allemand Georg Querl, publié en mars 1917


Cela ressemble à un déménagement de pauvres gens avec matelas et chaises, avec une machine à coudre par là ou un clapier à poules par ci, puis une panoplie de portes et fenêtres arrachées et tous autres objets jugés bons à sortir des maisons qui, quelques heures après, seraient livrées aux flammes . Ils ont aussi coupé les troncs d'arbres de bois dur et sain. Et voilà le désert, un misérable espace qui s'étend sans fin, nu d'arbres , sans élévations , ni maisons !
Ils ont coupé et taillé; les arbres tombèrent et les arbustes furent écrasés ; des jours et des jours durant avant même que de quitter les lieux. Dans cette zone de guerre , aucune cache, aucun abri ne subsistent.
La bouche de l'ennemi restera sèche et ses yeux chercheront en vain la margelle du puits, elle git dans les décombres.
Il ne trouvera pas quatre murs pour s'installer ; tout a été mis à bas et incendié et les villages transformés en tas de gravats , les églises et leurs clochers sont en ruines aux abords de routes. Des brasiers, des nappes de fumée et une odeur pestilentielle; un fracas roulant de village en village - l'explosion des mines achève le travail qui ne laisse rien d'autre à faire
. Ce n'est pas une chose aisée que de réduire un village entier en poussière de briques.
Des centaines de villages par ici ont été en feu pendant des semaines et on voit quand même un à deux pans de murs et parfois un bout de toit. Mais quand nos ingénieurs se mettent à l'oeuvre dans un village, quel travail !
C'est comme si le village sautait en l'air sous l'effet d'un tremblement de terre , tout est brisé et s'écroule et les dernières maisons sont anéanties par un "coup de grâce".
Et quels monceaux de gravats ils laissent ! : des briques , des pierres, des poutres marquées par le feu .

Pauvres diables de la zone de guerre , allez chercher ailleurs des logements !
Les vieilles fermes d'antan aux murs épais, avec des voûtes et, quelles ques soient leurs résistances, leurs murs ont été perforés scientifiquement et les charges de mines mises à feu. Les fermes entières s'écroulèrent , comme il le fallait, à moitié sur la route pour la faire disparaître et l'autre moitié pour combler les caves.
Des gravats, plus que des gravats ; toute l'histoire d'un ancien village !, seules perspectives pour une vie de paysans de demain !.
Le haut mur d'enceinte est effacé avec son corps de bâtiment, la maison centrale git en cendres et le reste de ses murs d'argile plie sous les premiers coups du bélier mécanique .
Les grands bâtiments de ferme élevés en majesté pour braver le temps, sont comme liquidés et mêlés à la misère du voisinage dans un champ de ruines qui pourtant avant portaient un nom et payaient des rentes . Montrez-les donc par ici ! Montrez-les donc ! Cette terrible guerre d'anéantissement devrait être affichée dans toutes les vitrines des boulevards.
Nous devons mettre de la distance entre nous et nos ennemis : un désert plein de décombres.
Salut, camarades de la Somme ! La terre, qui a bu votre sang, a été soulevée et retournée.
Elle est rendue stérile, telle un désert et les habitats humains ont laissé de la place pour vos tombes.
Ceux qui veulent le traverser, ce désert, seront accueillis par nos balles.
Jusqu'au dernier instant , les sapeurs restent dans les villes et villages pour parachever leur travail de destruction et se battent le mieux qu'ils peuvent pour revenir en arrière. Le repli est effectué de manière exemplaire. Chaque détachement sait exactement quelle voie prendre.
Chaque colonne a sa voie tracée, et, en dépit du mouvement gigantesque en hommes, animaux et camions, il n'y a pas ni bouchon ni ralentissement , chaque unité arrivant exactement à l'heure prévue. Des messagers cavalent pour notifier les différents ordres quant à l'heure des départs, alors qu'en même temps, d'énormes engins motorisés distribuent des quantités d'explosifs aux pelotons de sapeurs artificiers . Partout où cela fut possible, les maisons furent détruites par le feu sans que cela n'attire une attention particulière des gens du cru ou des alliés avant l'évacuation . Les murs qui ne cédaient pas, furent minés pour exploser lorsque les alliés se trouvaient sous les feux de l'artillerie , accroissant ainsi l'effet terrible du pilonnage .
Ces préparatifs prirent de nombreuses journées mais, vers la fin, des brouillards épais le matin, et les nuages bas l'après-midi, rendirent possibles l'embrasement de villages sans interruption. Et croyez-le !, les Alliés ne se doutèrent pas le moins du monde de ce qui se passait ! Ils n'intervinrent à aucun moment durant le processus de destruction et ne songèrent pas à briser les axes de communication alors que des colonnes interminables s'étiraient par dessus.
La dernière chose que je vis, fut un peloton d'armes automatiques allemand s'enfouissant dans les ruines et des patrouilles allemandes ramassant le peu qui restait dans l'attente des Alliés. Très lentement, avec des pertes énormes, les hordes ennemies essaient de se frayer maintenant un chemin au milieu des dangers qui les attendent. La pays derrière les tranchées des Alliés a été couvert d'un réseau dense de rails et de routes de mortier lourd qui rendent possibles des incursions rapides de divisions voire de corps d'armées à la vitesse de l'éclair et des concentrations surprises sur des points sensibles que les lignes allemandes pourraient avoir à subir au cours d'une attaque sur toute la largeur du front.
Jour après jour, les aviateurs allemands observent les montagnes de munitions et les provisions entassées sur la base anglaise, vers laquelle des routes couvertes de plaques métalliques claires se dirigent, sortant des tranchées comme des tentacules de monstres affreux, pour aller fournir au monde entier mort et destruction.
Des millions de dollars de matériels, fers, bois, ciment et le travail d'une grande armée ont été ensevelis dans le sol entre les tranchées. Tous ces travaux des Anglais sont le reflet de leur grande naïveté, car n'importe quelle autre nation se serait dit que des aviateurs les observaient jour après jour et auraient averti depuis longtemps l'Etat-Major allemand de ce qui se faisait . Puis, en un instant, des mouvements mystérieux commencèrent du côté allemand. Les soldats prenant avec eux leurs équipements et habits quittèrent les tranchées et remblais.
Les montagnes de munitions grandirent soudainement de moins en moins malgré les centaines d'énormes affûts de mortiers, de charettes tirèes par huit chevaux, avançant en colonnes incessantes, de jour comme de nuit, sur des routes sans chaussée que personne ne songeait encore à réparer. Les villages disparaissaient en une nuit, leurs habitants étant rassemblés en quelques points de recueil où ils étaient plus à l'abri et où il serait plus facile à leurs proches de les trouver, le jour venu .
Des bosquets et des arbres, rien ne restait debout pour camoufler les alliés.
Même les habits ont été déplacés des maisons avant que celles-ci ne soient abattues au sol .
Nuit après nuit, l'artillerie se replie en une chaîne sans fin, suivie de régiments et de régiments de dieux martiaux gris et silencieux. De petites troupes armées de fusils mitrailleurs restent derrière, maintenant l'illusion d'une guerre de tranchée . Ils réussirent si bien à tromper l'ennemi qu'ils provoquèrent souvent de furieuses canonnades anglaises sur des zones déja désertées . A l'arrière de leurs nouvelles positions , dix à quinze kilomètres plus loin , les Allemands s'esclaffèrent quand ils lirent dans des rapports britanniques que les tirs infaillibles des canons anglais avaient touché des entrepôts de munitions allemands.

Ils savaient pourtant bien que chacun des villages avait été rasé, et chaque pont miné par les habiles sapeurs allemands.
Quand finalement les Britanniques se hasardèrent à l'intérieur des anciennes lignes allemandes, ils découvriront de l'Oise jusqu' à Arras un chaos de mort qui donna une gifle à leur empressement pour plusieurs mois du fait du souffle de mort qui flottait dans les airs
Source: Archives de la Grande Guerre , Vol. V, ed. Charles F. Horne, National Alumni 1923






l'article du journaliste Karl Rosner

Le retrait sur la ligne Hindenburg par le journaliste allemand Karl Rosner publié en mars 1917



Dans leur appétit guerrier, les forces de l'Entente envisageaient une nouvelle offensive à côté de laquelle l'enfer de Verdun et le sang de la Somme n'étaient qu'un avant goût.
Une fois encore, elles voulaient le tenter, certaines de réussir.
A nouveau, elles fourbirent leurs armes, formant des divisions sur divisions, nouvelles batteries sur batteries, empilèrent munitions et munitions tout l'hiver.
L'Amérique et le Japon aidèrent sans relâche avec leurs cargos géants chargés d'acier. Nos adversaires réunirent tout le matériel imaginable d'une armée colossale. Ils avaient le monde entier à leur service pour être forts lors de l'assaut final . L'ennemi fit pourtant encore plus
Pendant des mois, ils bâtirent et bâtirent encore.
Un réseau dense de rails et de routes fut construit, du plus profond du pays jusqu'à leurs positions .
Aux premiers mots d'ordre, des matériels récents venant des entrepôts à l'arrière et une masse de troupes fraîches pouvaient débouler par mille artères jusqu'à la ligne de front .
A ces voies d'approche fut même ajouté tout un système de pistes parallèles. L'idée était de permettre une presque totale mobilité à l'intérieur du front .
Ainsi, l'amas de troupes qui hier se trouvaient sur l'aile gauche anglaise devait être capable d'apparaître soudainement au centre ou au sud de la Somme et jeté dans la bataille à notre grande consternation .

Un réseau de communication derrière rendait maintenant possible une seconde bataille de la Somme, qui devait briser en final notre mur pour le printemps et suivre le déplacement des forces et, avec un effet total de surprise, changer l'angle d'attaque selon le déroulement de la bataille .
Cette mobilité ne devait pas concerner que les troupes mais également les dépôts de munitions grâce au réseau ferré .
La force de travail de millions d'hommes en France, Angleterre et outre-mer fut engagée pendant des mois sur ce seul objectif: mettre sur pied la râclée finale, et pourtant jamais la pensée que l'ennemi pourrait être capable d'échapper à ce sort ne les effleura. Le haut commandement allemand , dont l'intention n'était pas du tout de laisser l'initiative à l'adversaire, en jugea cependant autrement.
Le but du Commandement fut de créer une situation entièrement nouvelle et d'épargner ainsi le gigantesque bain de sang qu'une offensive contre les positions ennemies sur la Somme aurait dû occasionner .
L'Etat-major trouva les moyens de rendre nuls et vains tous les préparatifs de nos ennemis, tout en nous ouvrant un terrain libre et largement ouvert juste en face de nos nouvelles positions .
Notre retrait des positions anciennes sur l'Ancre et la Somme ( la retraite sur la ligne Hindenburg) frustra les Français et Anglais de leur offensive de Printemps sur notre centre.
L'ennemi avançant derrière nous trouva une zone transformée en un glacis en face de nos nouvelles positions .
Chaque Allemand, qui connaît les caractères et la sensibilité des généraux en chef , sait combien la décision ne fut pas facile à prendre de transformer complètement et brutalement le paysage pour des fins purement militaires, ce qui avait été évité pendant deux années et demie. En la matière, n'y avait-il pas cependant en jeu des considérations plus importantes que le sort d'un morceau de pays qui nous refusait la paix ?
La ligne de conduite pour des décisions militaires ne pouvaient être que celles qui nous apporteraient les meilleurs avantages et les plus terribles désagréments à l'ennemi. C'est pourquoi, au cours des derniers mois, de larges bandes du pays de France ont été réduites à l'état dee terres brûlées sur 10, 12 voire 15 km de large , tout le long de nos nouvelles positions , constituant un mur de vide horrifiant pour tous les ennemis qui voudraient l'atteindre. Pas le moindre village, ni hameau ne reste dans ce glacis, pas de rue, ni ruelle, à traverser ; aucun pont, aucun chemin de fer , plus de quai d'embarquement.
Où il y avait des bois ne restent que des marais. Les puits ont été minés , les fils et câbles détruits.
Au devant de nos nouvelles positions s'étend une vaste zone , le royaume de la mort.
C'est sur ce terrain que l'ennemi va devoir nous attaquer .
Pour se cacher, il ne reste plus quatre murs et plus assez même pour reconstruire
Tous nos équipements ont été déplacés et tous les moyens de production détruits .
Les troncs immenses, jonchant les chaussées, entravent toute circulation et les prairies ont été retournées aux premières pluies, si bien que les canons qui se hasarderont par là s'embourberont jusqu'à l'ensevelissement . A n'en pas douter, c'est un coup dur pour cette contrée jadis si belle et pour ses habitants .
Les hommes qui nous conduisent dans cette ultime phase de la guerre vers la victoire ont tout fait de ce qui était humainement possible pour alléger le sort des habitants . Parmi eux, tous les hommes et les jeunes en âge de travailler ont été envoyés vers l'arrière car il est impérieux qu'aucun individu pouvant porter des armes ne puisse grossir le front des forces ennemies.
En outre, parmi les femmes, enfants et personnes âgées qui ont exprimé le souhait de rentrer en France, tous ont été amenés vers des villages, dont Noyon et Roye, situés au-delà de la zone dévastée, lesquels ont été préservés autant qu'il était possible .
Au cours de ma visite, j'ai pénétré à Ham dans l'Empire de la Mort , la Mort qui a posé ses mains griffeuses de destruction sur toutes les oeuvres humaines et sur toutes les fleurs de la nature. Nous voilà dans la large zone de dévastation qui s'étend de la Scarpe jusqu'à l'Aisne.

Dans cette contrée où je suis venu si souvent, il-y-a un an, je ne reconnais plus rien . La guerre l'a marquée de son sceau .
De tous les vieux arbres majestueux qui bordaient la route, il n'en reste aucun . Il y avait des maisons sur les bas côtés et des fermes.
De tout cela, plus rien, et rien non plus de la nature et de la richesse du pays . Aussi loin que les yeux voient, la campagne est nue et déserte, uniforme , interdite , terre ouverte au feu, au travers de laquelle un ruban de routes que nous suivons, court comme dernier indice d'une civilisation disparue .
Et même ces voies ne permettent le passage au travers du désert que pour quelques jours. Aux carrefours, elles sont minées.
Nous rencontrons les troupes en déplacement à pied et voitures chargées d'équipements et d'affaires .
Elles ont quitté la ligne de front et ne laissent à leurs successeurs dans les lieux abandonnés que le néant, l'absolu néant, pas un siège, pas une bassine. Ce qu'ils ne pouvaient emmener a été brûlé ou brisé. Derrière eux, ont été soufflés tous les abris où ils ont logé,, les puits ont été comblés ou l'eau a été souillée pour la rendre inbuvable ; les éclairages ont été détruits et les baraques incendiées.
Nous avons poussé plus avant notre parcours interminable au pays de l'agonie et l'horreur était sans fin .
Ici, jadis, des villages de chaque côté, des manoirs, des châteaux, tout est parti .
Des ruines en cendres dans lesquelles luisent encore des tisons, par ici et par là, voilà les seuls vestiges restant d'un passé balayé et dans l'air flotte l'odeur âcre et caustique des fumeroles de bois verts, de plates-bandes, de tas de fumier, toujours incandescents. Parfois, au loin, des flammes jaunes jaillissent encore dans le clair du jour, et, de temps à autres, se voilent de tourbillons de fumée noire puis repartent, à nouveau, voraces presque sans couleur en pleine lumière.
Chaque pan de mur, qui tient encore debout après le passage du feu, est miné ou abattu par les ingénieurs. L'ennemi, quand il viendra, ne trouvera rien de plus qu'un morceau misérable de mur noirci pour se protéger du vent. Même les caves ont été soufflées. Tout ceci n'est pas le résultat du travail de quelques jours ; pendant des semaines et des mois, il a été conduit systématiquement jusqu'à son terme.
. Il fallait qu'il prenne des mois pour frapper le regard de l'ennemi.
Une zone entière de villages en feu aurait montré en un instant aux aviateurs ennemis ce qui se passait au sol . Non, un village était incendié ici un jour, et là-bas le jour suivant ; si le brouillard et une faible visibilité le permettaient, deux autres villages partaient en feu et fumée ailleurs. Au jour ultime , rien ne resta de ce qui aurait pu servir au séjour de troupes .
Tous les tristes vestiges ne sont plus que ruines , tel est l'achèvement de l'oeuvre de destruction systématique .

Source: Records of the Great War, Vol. V, ed. Charles F. Horne, National Alumni 1923





Le rapport de l'Ambassadeur des Etats Unis en Autriche-Hongrie

Rapport de l'ambassadeur des E.U auprès en Autriche-Hongrie, Frederic C. Penfield, sur le retrait allemand sur la ligne Hindenburg.

Sur invitation du premier Ministre Ribot, je suis venu sur le front français m'informer sur la poussée qui lentement et sûrement fait reculer l'envahisseur allemand et pour voir la zone récemment évacuée par celui-ci.
Monsieur le secrétaire Frazier de l'ambassade américaine et moi-même avons été transportés en véhicule militaire aux bons soins d'un haut fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères. Nous avions été informés des dévastations sauvages nécessitées par les besoins militaires ou l'usage, mais aucun rapport oral ne peut décrire ce que nous avons vu ce jour là.
Nous avons traversé presqu'intégralement le département de l'Aisne jusqu'à 8 miles environ de la ligne tenue par le Prince héritier allemand près de Saint Quentin. Un terrible pilonnage d'artillerie se faisait entendre
Au-dessus de nous flottaient de nombreux ballons d'observation et des avions militaires semblaient mener dans les airs une bataille aussi acharnée que celle des artilleries depuis leurs positions cachées. Un tel spectacle ne peut s'oublier.
Nous avons visité Noyon, Péronne, Ham, Coucy, Chauny, de fait pratiquement toutes les villes depuis le front britannique jusqu'à Verdun à l'est. Innombrables sont les villes et villages, les châteaux isolés et les usines entièrement rasés jusqu'au sol .
Le département de l'Aisne apparaît détruit au point de n'être plus restaurable. .
Les Allemands ont manifesté une particulière antipathie envers les églises catholiques dont il ne reste, après les coups assénés que des piles informes de débris . Partout, la destruction a été complète, outrageante, démoniaque. De toute la journée, nous ne vîmes pas un seul être vivant , aucune vache, ni moutons, ni chevaux; pas un chien, pas un chat, pas même une volaille .
Nous avons visité beaucoup de nobles châteaux qui ont été abattus à un point tel qu'il est hors de portée humaine de pouvoir les rebâtir.
Nous avons vu dans une chapelle privée d'une grande famille de l'histoire de France des cercueils profanés par des vandales à la recherche de butin . Partout, les soldats français nous ont dit que ce n'était que depuis cinq semaines que la déroute allemande s'était empressée et que les troupes se livraient au pillage et à l'incendie sur leurs lieux de passage mais pas au point que tous les objets d'art et les meubles de valeur aient été déplacés outre Rhin .
L'appréciation critique de l'Allemagne appelle chacun à voir les départements du nord de la France pour constater que le raffinement de barbarie n'est pas un programme allemand limité au seul domaine maritime , il se manifeste aussi dans les zones occupées de France jusqu' à provoquer l'écoeurement des témoins .
De chaque ville et village, les hommes et femmes ont été déportés vers l'Allemagne comme du bétail par des Teutons qui frappaient sans ménagement. En voyant ces destructions, j'ai pensé à la générosité de mes concitoyens et me suis demandé si des Américains amis de la liberté ne seraient pas heureux de reconstruire ou d'aider à restaurer quelques villes et villages en ruine de l'Aisne et de la Champagne .
Actuellement, aucune forme de charité ne saurait être plus utile .
La plus frappante et la plus révoltante chose qu'un visiteur des zones dévastées ressent est l'abattage de tous les arbres qu'ils soient fruitiers ou d'ornement . Presque tous les arbres du département de l'Aisne sont à terre , pourquoi ? Il n'y a qu'une raison : briser les dernières velleités de restauration. Avec des hommes et de l'argent, les maisons et les usines peuvent être reconstruites en un an ou deux, mais reconstituer les vergers et les forêts prendra un demi siècle. Ce que les Allemands ont fait à la vie des arbres dans le Nord de la France n'est rien moins qu'un meurtre de la nature .
Notre voiture a eu une crevaison près d'un village qui avait été l'apanage d'un superbe château d'autrefois et durant la réparation par le chauffeur, six ou huit gamins vinrent autour de la machine par curiosité.
Deux des enfants étaient mieux vêtus que les autres et portaient des habits propres en velours côtelé. J'engageai la conversation avec le plus âgé des frères et lui demandai d'où lui venaient ses effets . Il répondit immédiatement :" Du Comité de secours américain , qui nous a donné nourriture et habits depuis que les Boches sont partis." "Avez-vous des parents ?" demandai-je . Ce à quoi le garçon répondit :" Oui, ma pauvre maman , elle est malade et couchée là-bas ", montrant du doigt une pauvre masure de paysan . " As-tu des soeurs ?" - " Deux de 19 et 21 ans. Elles ont été frappées par les Allemands et emmenées par l'armée en retraite. Notre pauvre papa , qui a essayé de retenir nos soeurs, a été tué par balles par les Boches, qui ont dit qu'il désobéissait et son corps a été déposé dans le fossé du bord de route.".
Pour moi, ces faits passés dans un village de l'Aisne sont plus révélateurs de la barbarie démoniaque des hommes de l'armée allemande que tous les livres et articles de presse que j'ai pu lire.
Je suis retourné de nuit à Paris, en conscience convaincu que Dieu ne permettra pas au féroce Empereur d'Allemagne de gagner ce combat fou contre la civilisation .
Pour illustrer cette mentalité germanique, la Belgique peut donner de nombreux exemples de brutalités pires que ceux des régions évacuées de France , mais, j'en suis sûr, pas en grand nombre. Les déportations de France ont été moins nombreuses mais tout autant cruelles dans leur nature .




Le rapport de l'Ambassadeur des Etats Unis en France

L'Ambassadeur des Etats-Unis en France sur le retrait allemand sur la ligne Hindenburg en avril 1917
Le rapport ci-dessous reprend les réactions de l'ambassadeur US, William Sharp, après les premières vues des territoires français au lendemain de la retraite des troupes allemandes sur la ligne Hindenburg au printemps 1917.
Les relations de Sharp rejoignent celles de son homologue en Autriche-Hongrie, Frederic C. Penfield. Il n'est pas étonnant que l'Amérique soit entrée en guerre peu de temps après .


Rapport de l' ambassadeur des Etast-Unis en France, William Sharp, après le retrait allemand sur la ligne Hindenburg.
Paris, le 1er Avril 1917,
A M. le Secrétaire d'Etat,
Washington.
A la suite de l'acceptation d'une invitation, aimablement proposée quelques jours auparavant,j'ai rendu visite aux villes reprises récemment dans le territoire occupé, faisant le parcours en véhicule militaire.
J'ai été accompagné par M. Boyd, attaché militaire. J'ai le regret de dire que les relations des différents rapports diffusés ici, et certainement déjà transmis aux journaux des Etats-Unis, quant à la situation déplorable dans laquelle se trouvent ces villes, n'est, en aucune façon, exagérée.
A de très rares exceptions, les places que j'ai vues, même si elles sont peu nombreuses et de l'ordre de la trentaine, ont été quasi détruites par les Allemands avant l'évacuation .
Les destructions opérées dans les villes moyennes de Roye, Ham et, en particulier, la ville autrefois active et pleine de charme de Chauny ont été totales.
Dans la plupart des bourgades plus petites, c'est à peine s'il reste une maison avec une toiture intacte.
Un spectacle de désolation règne partout sur le territoire repris.
Ceci est vrai non seulement là où les opérations militaires de protection de la retraite le rendent excusable; minage des ponts, abattage des poteaux télégraphiques , destruction de larges sections de rails de chemin de fer et le blocage des voies de circulation par d'innombrables arbres abattus mais encore partout où le regard peut se poser , presque tous les arbres fruitiers ont été sciés ou abattus à l'explosif de manière à ruiner toute repousse. Il n'y a pas que les villes qui ont été rasées pour des motifs militaires imaginaires , toutes les habitations privées de part et d'autre des routes , et parmi elles quelques-uns des plus beaux châteaux inestimables, ont été évicérés à l'explosif ou par le feu de manière planifiée et systématique.
Il m'a été dit qu'avant même que le retrait ne débute, tous les équipements agricoles trouvés dans les fermes avaient été broyés.
Des murs noircis de ce qui avait dû être de larges ensembles industriels sont visibles en de nombreux endroits qui s'ajoutant vraisemblablement à la destruction d'autres installations, sont laissés là sauvagement pour coûter encore plus cher à ceux qui voudront faire disparaître les débris .
Les églises et les cathédrales dans plusieurs villes ont été réduites par les Allemands à un tas de ruines soit à l'aide de fortes charges explosives soit par le feu.
A Ham, une mère de six enfants m'a dit que son mari et deux de ses filles avaient été enlevés par les Allemands au moment de l'évacuation et qu'à la suite de ses récriminations , on lui aurait donné comme réponse d'aller récupérer les corps dans le canal passant derrière chez elle . La même peronne m'a dit que de l'ensemble de population de la ville, plusieurs centaines de gens ont été réquisitionnées pour accompagner les Allemands, dont près de la moitié était des femmes et filles de plus de quinze ans .
La croyance qu'un large nombre de Français des villes évacuées et des contrées limitrophes a été forcé de partir avec les troupes allemandes provient du fait que très peu nombreux ont été ceux qui ont été retrouvés . Après avoir effectué une incursion de plus de cent miles à l'intérieur des territoires envahis, je pars avec la certitude qu'il n'y a pas dans l'histoire de pareil paroxysme de destruction de la part d' une armée victorieuse ou vaincue .