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Les Évènements militaires pendant la guerre de 1870-1871
racontés par un témoin

 

 

                         Le 8 octobre : Tableau d’A. Dumarescq

 

 La journée du 8 octobre 1870

Après nos premiers revers, les Allemands s’étaient hâtés de se porter sur Paris, s’emparant, sans éprouver la moindre résistance , de toutes les villes ouvertes qui se trouvaient sur leur passage. Nancy, se laisse traverser par une patrouille de uhlans. : Laon , sur qui le général Vinoy comptait pour arrêter un instant seulement le flot de l’invasion, se rend, avec sa garnison, à la première sommation d’une division de cavalerie en exploration dans la région. Dix jours après , le 19 septembre, Paris était bloqué. Ce même jour, le préfet de l’Aisne, Anatole de La Forge, organise le comité de défense de la ville de Saint-Quentin, où se trouve transféré le siège de la préfecture de l’Aisne
Le service de la garde nationale et de la compagnie des sapeurs-pompiers est organisé sur des bases sérieuses ; des exercices ont lieu tous les jours et les compagnies sont conduites, à tour de rôle, au tir à la cible ; des postes permanents sont préposés à la garde des principales issues de la ville et des barricades sont construites dans le faubourg d’Isle et en arrière du canal, au pont d’Isle.
Ce même jour, le préfet de l’Aisne, Anatole de La Forge, organise le comité de défense de la Ville de Saint-Quentin, où se trouve transféré le siège de la préfecture de l’Aisne.

Le 7 octobre, une colonne allemande part de Laon, sous les ordres du colonel von Kahlden, avec mission de s’emparer de la personne du préfet, M Anatole de La Forge, et de contraindre les  habitants de Saint-Quentin de rendre leurs armes. Cette mission émanant du grand-duc de Mecklembourg, général de corps d’armée, gouverneur de Reims, était d’une exécution plus difficile que les Allemands ne se l’étaient figuré.
Leur colonne , forte d’une compagnie et demie du 2ème régiment de landwehr de Brandebourg et de trois escadrons du 17ème régiment de dragons, à l’effectif exact de 720 hommes et 562 chevaux, prit ses cantonnements, dans la soirée du 7 octobre, à La Ferté-Chevresis.

Le 8, à 10 heures, l’ennemi était signalé au Mesnil-Saint-Laurent et accuelli par le feu des pompiers et des francs-tireurs détachés au devant de lui. Le combat, une fois engagé, dura jusque vers 2 heurs de l’après-midi ; les barricades du faubourg d’Isle , mal appuyées, durent être abandonnées à l’ennemi, mais celui-ci fut tenu en échec par les défenseurs du pont d’Isle. Sa retraite s’effectua dans le désordre le plus complet, et lorsque vers 2 h1/2, la défense prit l’offensive, chassant l’ennemi sur sa ligne de retraite, elle fit encore prisonniers sept soldats allemands non blessés. Du côté allemand, les pertes furent d’un officier grièvement blessé, de deux hommes tués et de douze blessés
Du côté de la défense, il y eut également deux morts, un pompier et un caporal de la garde nationale, et une quinzaine de blessés, dont le préfet, Anatole de La Forge. Cette affaire, en somme assez insignifiante, eut cependant en France un immense rententissement.

Le 8 octobre .Dessin de Baudouin

C’était à la fois la première résistance offerte par une ville ouverte, et son plein succès portait une sérieuse atteinte au prestige du uhlan prussien dont l’audace avait été sans bornes jusqu’alors. Mais le 21 octobre, le colonel von Kahlden arrivait devant Saint-Quentin avec une brigade mixte composée de trois escadrons de dragons, quatre bataillons d’infanterie et deux batteries d’artillerie.Les troupes régulières envoyées à Saint-Quentin après la défense du 8 octobre et qui se montaient à 6000 hommes avec des canons, s’étaient retirées la veille à la suite d’un ordre venu de Lille. La commission minicipale ne crut pas possible d’organiser une défense sérieuse, et la ville fut occupée sans coup férir, Elle fut frappée  d’une impositioon de guerre de 900.000 francs.



Bataille de Saint Quentin

(9 janvier 1871, se reporter à la carte de la bataille)


Le Général Faidherbe, commandant de l’armée du Nord, télégraphiait d’Albert, le 15 janvier 1871, à 4 heures du soir, au colonel Isnard : » Faites enlever les Saxons à Saint-Quentin ». L’exécution de ce mouvement prématuré allait éveiller l’attention du général von Goeben et amener toute l’armée allemande dans le flanc de l’armée du Nord surprise en pleine marche de manœuvres.
Le 16 janvier, à 7 heures du matin, la 12 ème division de cavalerie saxonne fut attaquée dans Saint Quentin avant d’avoir été mise en alarme ;elle put cependant se dégager et s’échapeer par les routes de Ham et de La Fère, laissant entre nos mains ses bagages , 40 prisonniers et 32 chevaux, presque tous en bon état. Les pertes en tués et blessés furent de 12 hommes de chaque côté.

D’après les situations officielles des 10 et 15 Janvier, l'effectif de l'armée du Nord, au début de son mouvement sur Saint-Quentin, était de 953 officiers, 12025 fantassins et 102 pièces dont : 50 de 4, 6 de 8,18 de 12 et 28 de montagne.
D'après la relation allemande la plus exacte (major Kuntz), les effectifs allemands étaient de : 30700 fantassins, 6100 cavaliers et 161 pièces, sous les ordres du général von Goeben.
Mais les chiffres n'indiquent pas la valeur des éléments qu'ils dénombrent et comme le dit la Section historique de l'Etat-major français :" Il faut rappeler que la lassitude causée par cette longue campagne n'était pas égale pour les deux armées, dont l'une restait compacte, disciplinée et confiante, tandis que l'autre, désagrégée par l'ordonnance imparfaite des dernières marches, comptait une forte proportion d'unités pour ainsi dire négligeables."
Le combat de Vermand dont les échos remplissent la ville de Saint-Quentin pendant la journée du 18 janvier, mit à son comble le désarroi causé par les marches et les intempéries des jours précédents. Toute l'armée française y prit part sans pourtant s'engager à fond, tandis que du côté allemand, deux divisions seulement n'engageront que leurs têtes de colonne soutenues par une puissante artillerie.
Le lendemain, le 19 janvier 1871, se livra la bataille dite de Saint-Quentin.
Le champ de bataille est divisé en deux compartiments bien distincts, séparés par la vallée marécageuse de la Somme que les Français ne pouvaient franchir qu'au pont de Saint-Quentin et les Allemands à celui de Seraucourt. Il y eut, de ce fait, deux actions bien isolées, sans connexion entre elles et sans influence immédiate de l'une sur l'autre : cette particularité permet de mieux étudier la marche du combat dans chacun des secteurs.


Secteur de la Rive gauche :

De chaque côté, un corps d'armée : le 22ème, sous les ordres du général Lecointe, dispose de la gauche à la droite dans l'ordre suivant :
1ère Division : général Derroja : 1ère brigade : colonel Aynès. 2ème brigade :colonel Pittiè.
2ème Division : général de Bessol :1ère brigade : colonel Foerster. 2ème brigade :colonel de Gislain
Du côté allemand :
la 16ème divisons: général Barnekow.
la 3ème division de réserve : général prince Albert de Prusse
un détachement de flanqueurs: colonel von Hymmen.
la 12ème division de cavalerie saxonne :général comte zur Lippe.
Du moulin de Tout-vent (5 km de la Grand'Place), conservé comme monument historique (nb. détruit depuis) on domine tout le champ de bataille de la rive gauche .
Dès 7 heures du matin, les Français se sont portés sur les positions à défendre ; à 8 heures seulement, les Allemands se sont mis en mouvement ; ce jour-là d'ailleurs, une brume assez épaisse retardait l'arrivée du jour jusque vers 8h/ 1/2.

Vers 9 heures, deux coups de canons, tirés dans la direction de la ferme Patte, cote 103, à l'est de Contescourt, signalent l'approche du détachement von Hymmen par la route de Saint-Simon, vers le bois de Grand-Seraucourt qu'on aperçoit dominant tout le terrain bornant l'horizon dans cette direction.
La brigade de Gislain se déploie au sud de Contescourt et de la ferme Patte, sa gauche s'appuyant à un boqueteau à 600 mètres à l'est de la ferme. Le combat dure sur ce point de 2 heures à midi 1/2, heure à laquelle intervient sur ce côté du champ de bataille, la réserve générale allemande envoyée de Roupy sur Seraucourt par le général von Goeben.
Mais avant de se retirer, les nôtres ont infligé des pertes cruelles à l'ennemi immobilisé sous le feu trois heures et demie : le 1er bataillon du 19ème allemand compte à lui seul 285 hommes tués ou blessés ; c'est un peu plus du tiers de son effectif.
A 1 h 1/4, la ferme Patte était définitivement aux mains de l'ennemi et toute la brigade de Gislain s'était retiré sans cesser de combattre sur Contescourt, Castres et Giffécourt, où elle s'arrêta épuisée.
Le 41 ème prussien tout entier et le 1er bataillon du 19ème soutenus par le feu de 30 pièces de canon, qui ont remplacé notre batterie de la cote 103, poursuivent nos soldats en retraite jusqu'à la croupe de Giffecourt, où ils se heurtent à la brigade Foerster.
La ligne de défense s'étend alors de Giffécourt, à droite, jusqu'à Neuville Saint-Amand, en passaant par la sucrerie de Grugies, le moulin de Tout-Vent, le Pire-Aller, le Raulieu et la ferme Lefèvre.
Sur tout ce côté du champ de bataille, le combat est furieusement engagé : la journée s'avance et les Allemands ont été repoussés jusqu'alors dans toutes leurs attaques.
La brigade Foerster tient solidement la fabrique de sucre de Grugies avec le 20ème bataillon de chasseurs : les autres corps s'étendent plus à droite, vers le moulin Thèry, aujourdhui disparu.
La brigade Pittié se trouvait massée, au début, entre Gauchy et le moulin de Tout-vent ; en ce moment, elle est sur trois lignes échelonnées arrière ; la première déployée sur le bourrelet de terrain compris entre la sucrerie et la route de Soissons, la droite à l'épine où est tombé le sous lieutenant de Chilly ; les deux autres lignes sont en arrière, dans le vallon de Grugies. Barnakow lance ses bataillons successivement contre la position, où ils viennent s'abattre comme des vagues sous le feu croisé de l'artillerie de Giffécourt et du moulin de Tout-vent, ainsi que sous celui de l'infanterie auquel rien ne peut les soustraire.
Après un de ces échecs, deux compagnies allemandes cherchent à arrêter la poursuite ; l'une d'elles ( 1ère du 29ème) se trouve en face du 17ème chasseurs qui fond sur elle la baïonnette basse ; les 4 officiers de cette compagnie et 44 hommes sont transpercés ; les autres ne trouvent leur salut que dans la fuite. Le 17ème chasseurs se porte ensuite sur les batteries allemandes installées à l'est de la chaussée (cote 108) et les obligent à déguerpir. vers 2h 1/2, une dernière vague de deux bataillons des 70ème et 40ème allemands parvient jusque sur le bourrelet que nous avons occupé jusqu'alors et pendant trois quarts d'heure réussit à s'y maintenir sans pouvoir toutefois aller au-delà."Vers 3h 1/4, dit Bleiblreu, les Français firent une si energique contre-attaque que le succès si péniblement acquis parut devoir encore une fois se changer en revers". Nous verrons plus loin que la solution décisive du combat vint d'une toute autre part.
La brigade Aynès ne se porta sur la position qui lui avait été assignée que vers 11 heures : mais il arriva fort à propos que la 12ème division de cavalerie Saxonne avait été retenue à la Guinguette par ordre du général von Barnekow, depuis 8h 1/2 jusqu'à 10 heures, de sorte que quand, vers midi, nous abordâmes la maison de campagne de Raulieu, les chasseurs saxons y pénétraient de leur côté ; surpris, ils furent rejetés jusqu'au Cornet-d'Or. Le général zur Lippe fit alors préparer par son artillerie une nouvelle attaque sur tout le front : Raulieu, ferme Lefèvre, Neuville, puis il lança deux bataillons sur ces trois points. Le village de Neuville fut pris sans grand effort ; cependant, c'est là que la compagnie Devienne des mobilisés de Saint-Quentin perdit 2 officiers et 27 hommes; la ferme Lefèvre fut entièrement détruite par un incendie et le Raulieu ne put prolonger sa résistance faute de renforts ; c'est près de Raulieu, sur la route de La Fère que le colonel Aynès fut frappé à mort d'une balle en plein front pendant cette dernière attaque.
La brigade Aynès se retira sur les premières maisons du faubourg d'Isle tenant en respect, jusqu'à la fin de la journée, la division de cavalerie saxonne installée sur la position conquise.
L'artillerie du 22ème corps occupait les hauteurs de Giffécourt, près du moulin Théry, avec deux batteries, dont une de 12, c'est là qu'au début de la bataille le général du Bessol fut grièvement blessé d'un éclat d'obus dans le bas ventre, et la hauteur du moulin de Tout-vent, avec cinq batteries, dont une de la réserve d'artillerie, envoyée par Faidherbe dans la matinée ; la ligne de ces batteries s'étendait vers la gauche jusqu'au delà du hameau de Pire-Aller
Bien que le moulin de Tout-vent ait été pris comme objectif par l'artillerie allemande , pendant toute la journée, il ne fut pas atteint ; et s'il a perdu ses ailes aujourd'hui c'est par l'effet tout naturel du temps et du manque d'entretien.
La résistance héroîque du 22ème corps ne devait pas être couronnée de succès ; le détachement de von Hymmen, renforcé de la réserve générale et appuyé par le feu écrasnt de cinq batteries, finit par s'emparer du hameau de Giffécourt, d'où il accéda peu à peu sur la croupe qui domine le hameau ; la sucrerie elle-même, rendue intenable par l'artillerie , tomba au pouvoir des Prussiens qui s'emparèrent ensuite de Grugies. Il était alors 4 heures du soir et la nuit arrivait ; la brigade Pittié, menacée sur son flanc droit et sur ses arrières, dut rétrograder sur la hauteur de Tout-vent, où elle lutta encore jusqu'à ce que la nuit fut venue ; puis , tout le 22ème corps se retira sur le faubourg d'Isle, où l'ennemi arriva presque en même temps que lui.
Une partie des troupes franchit le pont du canal et gagna la route du Cateau ; une autre partie suivit la voie ferrée et la route de Guise jusqu'à Harly , d'où elle regagna la route du Cateau par Rouvroy et Morcourt.


Secteur de la Rive droite :

De notre côté :le 23ème coprs d'armée, sous les ordres du génaral Paulze d'Ivoy :
1ère Division : Capitaine de vaisseau Payen
1ère brigade ; lieutenant-colonel Michelet. 2ème brigade : capitaine de frégate Delagrange.
2ème Division (mobilisation) : général Robin
1ère brigade : colonel Brusley.2ème brigade : colonel Arno
Au 23ème corps furent adjointes la colonne volante de Cambrai, sous les ordres du lieutenant-colonel Isnard, et, dans la soirée, la brigade des mobilisés du Pas-de-Calais, colonel Pauly, venue au feu spontanément.
Du côté allemand : la 15ème division d'infanterie ; général von Kummer : la division combinée du 1er corps : général von Gayl ; la brigade de cavalerie : général comte zur Dohna : la réserve de l'armée : colonel von Boecking.
De la cote 138, au sud de Francilly, où était établie la batterie Halphen, on embrasse du regard la totalité du champ de bataille.
Vers 10 heures du matin, une fusillade très nourrie éclatait sur la route de Vermand , à hauteur de la maison du garde. Le bataillon prussien d'avant-garde de la division combinée surprenait en ce point le 1er bataillon de voltigeurs de la division Robin. C'étaient les meilleures troupes de la division ; elles cédèrent le terrain pas à pas, abandonnant 285 tués et blessés sur un effectif de 500 hommes environ.
La division Robin occupait Fayet, Selency, Francilly et Holnon ; elle avait détaché le 6ème régiment de mobilisés comme réserve des brigades Isnard et Delagrange. Holnon fut enlevé par l'ennemi presque sans coup férir ; Selency et le moulin Coutte furent mieux défendus, mais devant être abandonnés, ainsi que le moulin de la Tour, à 800mètres de l'église de Fayet.
En avant des brigades Isnard et Delagrange , tout est encore silencieux, et le tonnerre roulant qui se fait entendre de ce côté provient de l'engagement du 22ème coprs. Les Prussiens profitent de cette circonstance pour pousser une pointe sur Fayet dont ils s'emparent sans trop de peine.
La brigade Isnard s'étend de Sélency au vieux chemin de Nesle : à sa gauche est la brigade Delagrange qui va jusqu'au canal, ayant derrière elle deux bataillons du 16ème bis mobiles.
Ces troupes tiennent les deux bois de Savy, la butte du bois du Mortier au nord du bois, la route de Ham et le village de Dallon, au sud. Sur ce point s'engage, d'abord un combat d'artillerie que la batterie Halphen, installée à la cote 138, soutient seule, avec ses pièces de 4, jusqu'à la fin de la journée, d'abord contre trois batteries prussiennes et ensuite contre sept: 6 pièces de 4 contre 12 d'un modèle supérieur. Nous devons ajouter que la batterie Halphen tira ce jour-là pour la première fois les nouveaux obus à balles Treuille de Beaulieu, donnant 46 éclats. Notre infanterie parvient la première dans les bois de Savy dont elle interdit l'accès à l'ennemi jusque vers la fin de journée.
En résumé, à 2 heures de l'après-midi, au 23ème corps comme au 22ème, la supériorité appartient à la défense ; car la prise de Fayet n'est qu'un accident du au peu de solidité des mobilisés, et la brigade Michelet va bientôt remettre tout en ordre de ce côté.
Partie de la Vallée des Corbeaux, près de la Chaussée-Romaine, avec l'ordre du général Paulze d'Ivoy de reprendre Fayet à tout prix, cette brigade aborde le village par le vallon encaissé qui remonte du bois des Roses vers l'Eglise. Les Allemands n'ont pas le temps d'évacuer le village avant notre arrivée ; un bataillon s'échappe par le nord, mais deux compagnies sont chargées à la baîonette par les fusilliers marins qui jettent par terre 2 officiers et 81 hommes ; le reste finit en désordre vers le moulin de la Tour et le moulin Coutte.
Le général von der Goeben, pour sauver ces débris d'une perte plus grande, porte en avant les troupes qu'il a à sa disposition et parvient à garnir tout le terrain compris entre le Bois des Roses et le moulin de la Tour ; mais il échoue dans toutes les tentatives faites pour reprendre Fayet, point capital cependant dont la possession commande les communications sur l'arrière par la route de Cambrai. L'armée française aura toujours sa ligne de retraite assurée dans cette direction.
C'est d'un autre côté que viendra la solution du combat engagé sur la rive droite. Le village de Francilly, qui a résisté jusqu'à présent aux efforts de la division mixte, tombe en son pouvoir vers 2 heures, et ses défenseurs , mobiles et mobilisés, fatigués par la longueur de la lutte, se retirent démoralisés sur Saint-Quentin sans sur rien puisse les arrêter.La brigade Isnard, découverte sur son flanc droit, est obligée à se retirer progressivement et par échelons, à cheval sur le chemin de Savy à Saint-Quantin, entraînant avec elle la vaillante batterie Halphen qui a perdu 28 hommes et 31 chevaux.
La brigade Delagrange dut suivre le mouvement général de recul ; d'ailleurs, attaquée de front et sur sa gauche par la réserve générale que von Goeben s'était reconstituée, elle ne pouvait plus de toute manière se maintenir sur ses positions trop étendues pour son effectif restreint. Tout le 23ème corps, sauf les troupes laissées dans Fayet, se retira sur les abords du faubourg Saint-Martin, qui avait été organisés défensivement par le génie aidé du bataillon de douaniers ; sa résistance se prolongea victorieusement sur ce point jusqu'à ce que le général Paulze d'Ivoy eût appris la retraite du 22ème corps et l'entrée dans Saint-Quentin des Prussiens de la rive gauche. La retraite devenait, dans ces conditions, très difficile pour le 23ème corps. Toutes les issues de la ville étaient solidement gardées par l'ennemi ; ainsi le nombre des hommes qui tombèrent en captivité fut-il considérable.
La retraite de la brigade Isnard et la marche générale en avant de toutes les troupes allemandes de la rive droite devaient avoir pour conséquence la reprise de Fayet par l'ennemi ; mais au moment précis où la division combinée allait pouvoir reprendre l'offensive de ce côté, elle fut soudain attaquée par la brigade des mobilisés du Pas-de-Calais, que son vaillant chef, le colonel Pauly, amenait à la rescousse de l'armée du nord par une intelligente initiative. Il était 3 heures environ quand le premier bataillon de cette brigade se déploya et se porta résolument du moulin Mennechet à l'attaque de l'infanterie et de l'artillerie prusiennes vers la ferme du moulin de la Tour.
Marchant bravement sous le feu, entraînant avec elles les mobilisés du Nord qu'elle rencontra, la brigade parvint à gagner le chemin encaissé de Fayet à Fresnoy, d'où elle ouvrit le feu avec ses vieux fusils à percussion, modèle 1858, contre trois batteries et demie et six compagnies d'infanterie qu'elle sut maintenir en respect, ainsi que la cavalerie de Dohna, qui menaçait de charger son flanc droit.
Fayet fut évacué vers 6 heures du soir, en pleine nuit, alors que tout ce qui avait pu s'échapper du 23ème coprs était en retraite sur la route de Cambrai, hors des atteintes de l'ennemi.
Les pertes de l'armée française à la suite des deux journées des 18 et 19 janvier furent de :
Rive gauche : 75 officiers et 1877 hommes tués et blessés.
Rive droite : 54 officiers et 1373 hommes tués et blessés.
Celles des Allemands:
Rive gauche : 58 officiers et 1400 hommes.
Rive droite : 40 officiers et 961 hommes



_____________________________________________________________________UN TEMOIN__________________