Vie de Grachus Babeuf
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Les deux derniers de ces trois martyrs de la révolution furent des acteurs de premier plan d'une machine sanguinaire et  furent  broyés par celle-ci avant que d'avoir pu théoriser leurs idées. Babeuf, comme ses semblables, fut condamné à la guillotine et comme Condorcet démontra la suprême force de la pensée sur l'oppression. Au moment de monter vers l'estrade sinistre, il sortit un poignard et devant la foule assemblée se donna, lui-même,  la mort à coup de couteau.

La scène se passa à Vendôme, loin de chez nous, le 28 mai 1797.

Qu'allait faire François-Noël loin de son terroir et du siège de son journal "la Tribune du Peuple" ?

L'acte ultime de sa vie éclaire le caractère du personnage qui, lui, prit  le temps de penser à l'édification d'une société plus humaine et fonda une école de pensée connue sous le nom de Babouvisme. Elle est reconnue pour être l'une des inspiratrices fortes du communisme marxiste. Cette idéologie l'incorpora sans trop voir le caractère original de l'apport de Babeuf. Grâce à notre concitoyen, le communisme sortait du ghetto des cités et des usines pour annexer les campagnes. Le recul historique permet aujourd'hui de constater que, à l'inverse des pronostics de ses théoriciens Marx et Engels, le communisme s'est installé dans les pays à dominante agricole, Russie, Chine, Cuba, là où Babeuf savait le besoin de révolution possible et non pas là où les intellectuels des banlieues rouges la révèrent.

Gracchus, dont le père traversa l'histoire mouvementée de la région en optant pour l'armée bourguignonne, devint géomètre puis "commissaire-terrier" du côté de Roye. Intéressé par les problèmes de fiscalité, il concevra une réforme présentée sous le nom de "cadastre perpétuel". Engagé dans cette réflexion largement publique en ce siècle des lumières, il choisira le prénom de Cracchus  pour bien situer le cadre de son projet. L'empereur romain s'était rendu populaire "par son administration humaine et ses tentatives de réforme agraire".

 

Tel était tout son objectif !

Après avoir été conseiller de la Somme, il montra à Paris. Journaliste, très largement polémiste comme cela était d'usage en ces temps, nullement démagogue, comme le note notre Larousse, ici mal inspiré, il fut l'un des rares révolutionnaires français avec Condorcet à avoir une doctrine pour la résolution des problèmes ruraux. Parmi les idées de "La doctrine des Egaux", les modalités d'établissement d'un système égalitaire dans le monde agricole, aucune mention n'est faite d'une étatisation des terres et de la fonctionnarisation des paysans ; la propriété privée et les revenus ne sont pas condamnés. Les mortels sont égaux  : ce n'est pas la naissance, mais la seule vertu qui fait leur différence. La société n'a pour honneur que de placer ses membres sur un plan de stricte égalité,  dont l'idéal philosophique est la " Communauté des biens".

 

Babeuf savait que nos villages vivaient une solidarité au quotidien de nature humaine et que les inégalités pouvaient se réduire sans autre intervention que celle de la population concernée. La force de son message vint certainement de sa  propre conviction.

Celui que nombreux présentent comme un révolutionnaire extrémiste n'entâcha son nom d'aucun méfait ni d'aucun abus. Il combattit la corruption âprement et vécut pauvre. Tout en assurant à sa femme et à ses enfants le nécessaire, il expliqua à ceux-ci, dans ses correspondances, l'aversion que soulevait, en lui, ceux qui dévoyaient la révolution.

 

 

C'est d'ailleurs, au titre de la défense de la morale, que Babeuf partit vers Vendôme avec quelques amis. Pour un paysan de Picardie, le soulèvement vendéen ne pouvait pas être un péril pour la nation, ni la remise en cause des Libertés, ni de l'Egalité et encore moins de la Fraternité. Il ne s'agissait que d'un pillage et d'un crime camouflé, le terme de génocide viendra plus tard sans apporter d'explication rationnelle. Babeuf s'insurge et tente de faire obstruction au chef de la répression : Carrier. Malheureusement, la tentative est déjouée et Babeuf condamné comme criminel,  sans avoir tué personne, par l'auteur d'une des plus honteuses tueries de notre histoire.

Le souvenir du défenseur du peuple vendéen comme des paysans du monde entier mérite un immense respect.

Certes l'aphorisme de Babeuf : " Faites à autrui tout ce que vous voudriez qui vous fut fait " n'est qu'une déclinaison du commandement chrétien "aime ton prochain comme toi-même", mais se situant dans un ouvrage d'organisation de la société, il restitue le vrai fond de pensée de son auteur. Sa pensée, comme  notre pays et nos maisons, a été  formidablement dénaturée voire déformée par la doctrine marxiste. Parce que cette forme d'inquisition contrôle encore une grande partie de la planète, une oeuvre de reconstruction  et de réhabilitation de la pensée de Babeuf s'impose pour les enfants de Monchy, bien sûr, mais aussi pour l'humanité entière.

Les  révolutionnaires du Vermandois donnent une dimension nouvelle à notre communauté. Ni l'honneur de la tribu, ni le fer de l'enclume, ni l'onction divine, ni le droit de haute justice, ni l'appartenance à la vraie foi n'entrent en ligne de compte dans leurs démarches personnelles.

Rien de leurs idées n'est pourtant absolument original !

Elles expriment une sagesse et un amour de la terre  que les Celtes célébraient déjà certainement autour des feux du solstice, au pied des buttes, mais d'une manière nouvelle. L'individu humble de notre bourgade ose concevoir l'ordre du monde et se battre pour ses rêves.