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François, Noël Babeuf

 

 

Les débuts révolutionnaires

 

François, Noël Babeuf est né à Saint-Quentin le 23 novembre 1760. Son père né à Monchy-Lagache en 1712 occupait un modeste emploi aux fermes du roi et sa mère, qui avait près de 30 ans de moins, venait de Cerisy, près de Corbie.

Sa jeunesse nous est peu connue jusqu'à ce qu'il entre en 1779 chez Maître Hulin, notaire feudiste à Flixecourt.

C'était un officier public spécialiste du droit féodal. Au début, il était simplement logé et nourri, sans percevoir de salaire, mais à la fin de la première année, il reçut trois livres par mois.

Un an plus tard, son père mourait, laissant sa femme et ses enfants dans la misère.

Le 13 novembre 1782, François Noël épousait Marie-Anne Victoire Langlet qui était amiénoise.

Après avoir travaillé en 1783 chez un arpenteur de Noyon, il s'installe en 1784 à Roye comme commissaire à terrier, ce qui consistait à s'occuper de l'état des droits attachés à une terre et le mettait en relation avec les seigneurs, les abbés et les autres possesseurs de domaines. Cette profession pourrait s'assimiler sommairement à celle de receveur de rentes, intermédiaire entre les propriétaires et les locataires, avec toute la complexité du droit féodal. C'est un excellent époux et père de famille qui s'occupe ponctuellement de sa charge . C'est aussi un autodidacte qui s'intéresse aux problèmes juridiques, historiques, sociaux et il a d'autant plus de mérite que sa formation de base a été négligée.

A l'occasion d'un concours organisé par l'académie des belles lettres d'Arras, il entre en relations avec son secrétaire Dubois de Fosseux et se montre fort satisfait de recevoir le bulletin des séances académiques.

Déjà ses préoccupations sociales apparaissent. Il souhaite qu'il règne une parfaite égalité entre tous les membres d'un peuple en répartissant les fruits du travail et préconise l'exploitation collective des grandes fermes.

Ses relations difficiles avec ses clients riches qui refusent de le payer, le marquis de Soyécourt, l'abbé de Broglie, le frère de l'abbé Mauryl, ont sans doute conforté ses idées. Il participe à la rédaction des cahiers de doléances en s'attachant à la réforme fiscale.

Il sent que l'on va vers la suppression des privilèges et des droits féodaux. Son métier de commissaire à terrier est menacé. Que pouvait-il désormais envisager?

La prise de la Bastille fait renaître ses espoirs de changement et le 17 juillet 1789, il arrive à Paris. Depuis deux ans, il travaillait à son cadastre perpétuel, qui faisait un bilan exact de toutes les propriétés et fiefs, permettant ainsi une juste répartition de l’impôt. Il s'associe pour cette publication avec M. Audifred, inventeur d'une méthode

d'arpentage. L'ouvrage, paru en septembre, fut un échec total.

Si l'essentiel du cadastre est une étude technique, un discours préliminaire contient dejà l'essentiel des idées sociales et révolutionnaires de Babeuf. Ceux qui possèdent l'opulence doivent de bonne grâce se montrer généreux car on risque d'aviver le désespoir des plus démunis.

Il écrit déjà: « Les possédants, ces tuteurs infidèles ont garrotté le peuple par une foule de machinations grotesques et barbares ».

Mais son opinion n'est pas encore fixée puisqu'il écrit en 1787:« Je n'ai pas voulu mettre en question la légitimité des grandes propriétés et arriver ainsi à une solution radicale sur les grosses fermes attaquées alors même dans leur principe ».

Il était trop tôt ou trop tard. ces idées n'étaient pas neuves et ne lui valurent aucune audience.

 

Pourtant, les donneurs de conseil et les moralisateurs qui sont toujours nombreux connaissaient alors un grand succès.

Babeuf regagne Roye le 18 octobre 1789, il a passé trois mois à Paris. La ville de Roye a alors trois mille quatre cent cinquante-deux habitants et consomme, d'après le pharmacien Emile Coët, huit cent soixante-dix-huit hectolitres d'eau-de-vie qui la place en tête de la consommation alcoolique dans la Somme. La corporation des cabaretiers y est florissante et l'abolition des taxes sur les sons a favorisé l'enthousiasme révolutionnaire.

Les citoyens sont décidés à ne plus payer les taxtes de la régie générale, ce quientraîne une effervescence locale que combattent les représentants de l'Etat. Babeuf devient l'âme de cette fronde, non pas pour encourager les buveurs, par désir de jouer un rôle politique, de se poser en défenseur du peuple.

A Roye, le faubourg Saint-Gilles où il demeure, s'agite, et le maire, M. de guecamp, essaie de calmer les esprits.

Les bistrots ne cèdent pas et un arrêté municipal leur demande de choisir un délégué qui les représentera.

Ils désignent Babeuf qui rencontre la municipalité et lui présente un mémoiredemande la suppression totale et immédiate des aides .

Les citoyens présents approuvent ce voeu qui sera transmis au greffe et à l'Assemblée nationale.

La municipalité de Roye, très gênée, veut dégager sa responsabilité suir ce refus de l'impôt.

Le comité des rapports de l'Assemblée nationale comprend la gravité de la révolte et demande la publicité de la réponse qu'il adresse à Babeuf. « Qu'il apprenne que le défaut de paiement des impôts est pour ainsi dire le seul écueil contre lequel paraisse en ce moment échouer cette heureuse révolution dont il paraît le si zélé partisan »

L'abbé Grégoire , dont l'action avait été prépondérante dans le ralliement du clergé au tiers, crut bien faire en s'y mêlant. Il exhortait les rebelles à payer, leur expliquant qu'on les avait trompés. Babeuf ne se décourage pas et compose un mémoire de trente-huit pages intitulé  Pétition sur les impôts adressée par les habitants de... à l'Assemblée nationale, qu’il fait distribuer dans toutes les communes environnantes. Dès qu'elle eut connaissance de ce libelle, l'Assemblée réagit, demandant que l’on poursuive le sieur Babeuf auteur présumé.

En mai 1790, il est arrêté et transféré à Paris, d'abord à la conciergerie du palais puis au Chatelet. Il s'adresse alors de sa prison à Marat qui s'enthousiasme pour sa cause qu'il défendit dans L'ami du Peuple.

Le 13 juillet, il est de retour à Roye. Cette arrestation, si elle a accru la méfiance des autorités, lui a valu un surcroît de popularité.

Sa réputation de défenseur du peuple et des pauvres se conforte. Il décide de fonder  un journal, prospecte la clientèle, variant les arguments d'après le milieu social.

 

Il trouve des commanditaires et le premier numéro du Correspondant Picard imprimé à Noyon chez Devin, paraît le 1 er octobre. Il y aura quarante numéros jusqu'à l'été 1791, l'irrégularité de la parution lui vaudra de nombreuses protestations, mais c'était le lot de toutes ces feuilles éphémères. Il veut également se présenter aux élections, mais il ne remplit pas une des conditions requises: payer dix livres d'impôt.

C'est un problème qui se posera aussi à Saint-Just.

 

La veille du vote, il déclare que d'après ses calculs, il doit payer par quartiers et il offre en plus douze livres de contribution patriotique payable en trois fois.

 

Il est élu membre du conseil général de Roye.

 

Son élection est contestée, ses collègues demandent son invalidation. Le Directoire du département le déclare inéligible.

 

Ce continuel perturbateur s'est attiré de solides inimitiés. Les autorités sont décidées à se débarrasser de lui et y parvinrent en multipliant les chausse-trappes juridiques.

 

Cette commodité politique est toujours en vigueur. Il fut aussi candidat malheureux reux à un poste de juge de paix où fut élu son adversaire, M. de Longuecamp, maire de Roye.

 

La confiance que lui font les cabaretiers toujours rebelles au fisc, est sa consolation. Il continue son soutien sans faille aux grévistes de l'impôt.

 

La Révolution en marche

 

En avril 1791, la municipalité accuse Babeuf d'avoir empêché la perception desimpôts indirects en excitant continuellement le peuple.

En outre, on le soupçonne d'être à l'origine d'un abattage d'arbres dans un terrain apparetenant aux Célestins d'Amiens.

La révolte gronde et le maire fait rétablir l'ordre par la troupe et arrête Babeuf qui est mis à la disposition du tribunal de Montdidier qui libère le prévenu et lui permet un retour triomphal à Roye.

On l'accueille en héros, en défenseur des opprimés.

Emu par cette réception, il est conscient de sa responsabilité. Le peuple l'a choisi, il doit se sacrifier à sa cause.

 

Ce destin confirme ses intimes convictions, toute sa vie sera la sanction de cette vocation sociale.

A Davenescourt, la comtesse de la Myre reçoit d'inquiétantes menaces. 0o lui reproche de s'approprier le moulin, de pressurer les paysans, d'avoir modifié le terrier. Les négociations s'engagent mal et la comtesse accepte de recevoir les officiers municipaux dans son château, mais en même temps, envoie un valet quérir la troupe.

Le valet est intercepté et le peuple craignant qu'on lui tende un piège, envahit le château. Il y a des blessés, on extorque de force à Madame de la Myre l'abandon de ses droits. Satisfaits, les villageois se retirent.

Des poursuites contre les agresseurs sont entreprises par le tribunal de Montdidier et l'un des principaux accusés, Alexis Bailli, choisit Babeuf comme défenseur. Arrêté, il est détenu pendant quelque temps puis relaché. (Comme commissaire à terrier, il connaissait bien les démêlés des châteaux avec les paysans). Le ministre de la Justice Duport du Tertre qui connaît Madame de la Myre se montre indigné et interdit au tribunal de Montdidier de juger le procès.

Babeuf composa pour l'Assemblée nationale un long mémoire où il ne se contentait pas du récit des événements, mais s'étendait longuement sur les méfaits de la survivance du régime féodal et l'existence d'un complot contre-révolutionnaire qui voulait briser le tiers et faire revenir les aristocrates. C'était le discours habituel mal reçu par certains citoyens qui attaquaient Babeuf en encourageant ses créanciers, en détournant ses clients, rendant sa situation matérielle très difficile. Il était dans un grand embarras financier, sa famille était misérable mais rien ne pouvait le détourner de son but. Malgré ses soucis d'argent, la passion politique l'emporte, l'empêchant d'exercer tout autre métier si ce n'est le journalisme qui lui a déjà valu des déboires. Il fera alors ses confidences à l'abbé Coupés, curé de Sermaise, ancien professeur de réthorique à Amiens et qui par goût personnel, avait opté pour une cure de campagne.

Très aimé de ses paroissiens, il devint président du district de Noyon.

Ancien abonné du Correspondant Picard, les deux hommes s'étaient rencontrés et avaient noué des relations cordiales.

Babeuf lui écrivit deux lettres où il précisait ses idées sociales et ses ambitions. Il voudrait être élu à la nouvelle Assemblée et y défendre son exigence essentielle: « A tous éducation égale et subsistance assurée ».

Il va à Beauvais où vont se dérouler les élections à l'Assemblée législative mais renonce sans qu'on sache bien pourquoi et se contente de soutenir la candidature de l'abbé Coupé, auquel il propose de devenir son secrétaire, probablement pour deux raisons.

Cela lui assurerait un certain revenu et lui permettrait un meilleur accès au monde politique. L'abbé Coupé n'y donna pas suite. Babeuf énonce ses principes :

-Tout le monde sera électeur.

-Liberté totale de réunion.

-Le peuple armé assurera les conquêtes de la Révolution.

-Une loi agraire définira un nouveau partage des terres.

On comprend l'inquiétude de l'abbé Coupé devant ce programme. Il n'avait que faire d'un aussi dangereux collaborateur.

 

 

Babeuf fonctionnaire

 

En septembre 1792, il est élu administrateur du département de la Somme, ce qui l'oblige à quitter Roye pour Amiens.

Son activité fébrile et un peu brouillonne va indisposer ses collègues qui ne partagent pas obligatoirement ses convictions. Il se plaint que l'on représente au théâtre des pièces contre-révolutionnaires et persuadé que le directoire du département est composé de traîtres, il alerte Paris et se plaint au ministre de l'Intérieur qui était Roland.

Son agitation et sa méfiance continuelles agacent ses confrères qui s'arragent pour le faire nommer administrateur de district à Montdidier où il retombe sous l'autorité de M. de Longuecamp qui vient d'être nommé procureur syndic de ce district. Dès son arrivée, son intolérance lui fait commettre deux maladresses. Il organise sur la place publique un autodafé de tapisseries fleurdelysées et de portraits de roi.

Il s'acharne également, sans résultats d'ailleurs, pour mettre sous séquestre des biens aristocrates. Cela lui valut l'épithète de "maratiste" qui le flattait.

Une histoire de "faux" va permettre de se débarrasser de lui.

Il semble qu'il ait remplacé un nom par un autre dans l'acquisition d'un bien national.

C'était une faute grave et un excellent prétexte pour M. de Longuecamp qui fait délivrer un mandat d'arrêt. Babeuf s'enfuit à Paris, laissant sa famille à Montdidier, mais la justice suit son cours et il est à nouveau sans ressources.

Son activisme sincère et désordonné, son manque de discernement ne vont cesser de lui attirer de nouveaux déboires.

Il prend, probablement pour survivre, la défense d'un individu très douteux, Fournier , ancien planteur à Saint-Dominique, qui sera bientôt arrêté. Il s'engage ensuite dans la légion des volontaires bataves qui avaient pour mission de combattre les "despotes couronnés" au tarif de vingt-cinq sols par jour et finit par obtenir une place de secrétaire à la commission des subsistances de la ville de Paris au salaire de quatre mille livres, ce qui lui permet de faire venir sa femme et ses enfants. Il a un nouveau grand dessein dont il entretient Chaumette, procureur de la Commune de Paris.

Paris doit activer la révolution, négliger la Convention réticente, la France suivra, l en est sûr.

Son ton véhément, ses affirmations péremptoires, son incitation continuelle à la révolte, attirèrent l'attention jusqu'à Montdidier où le tribunal l'avait condamné à vingt années de fer.

On l'incarcéra de nouveau, mais la procédure ayant été jugée irrégulière, il fut libéré le 30 messidor, neuf jours avant la chute de Robespierre et reprit son emploi à la commission des subsistances.

 

Babeuf journaliste

 

Cette stabilité retrouvée n'empêche pas la passion sociale et égalitaire.

Pour Babeuf, la liberté de la presse est la chose la plus importante et il brûle de nouveau de fonder un journal.

Il cherche un commanditaire et entre en relations avec Guffroy, un ancien avocat d'Arras aux convictions politiques variables, mais aux certitudes financières constantes.

Le premier numéro du Journal de la liberté de la Presse parut le 3 septembre 1794. Il y attaque Robespierre, Saint-Just, Carrier.

A partir du 5 octobre 1794, le journal s'appelle désormais Le tribun du peuple.

Babeuf a changé son prénom et s'appelle désormais Gracchus, en l'honneur des gracques, les célèbres réformateurs agraires romains.

Fouché entre en relations avec lui, probablement en le subventionnant pour attaquer Carrier, les jacobins, et ainsi se dédouaner.

Ses incessantes polémiques lui ont fait beaucoup d'ennemis et le 7 février 1795, il est arrêté.

Incarcéré d'abord à la Force, puis aux Orties , il est transféré à Arras le 15 mars, est ramené à Paris où il est libéré le 18 octobre 1795.

Il reprend la publication du Tribun du peuple où il vilipende le Directoire, ce qui rompt les relations avec Fouché.

Son journal a un succès populaire. Son extrémisme insurrectionnel se confirme. Il prêche la religion égalitaire.

Dans cette croisade pour le bonheur du peuple, il choisit ses alliés: Jésus Christ, Diderot, Rousseau.

Il confirme son idée majeure: tous ceux qui possèdent plus que les autres l'ont acquis par le vol et l'usurpation.

« Il est juste de le leur reprendre ».

Comment faire ?

-En supprimant la propriété privée.

-En faisant apporter à chacun le produit de son travail dans un magasin commun.

-En répartissant égalitairement les subsistances.

Cet utopisme naïf fera des adeptes. Sur le plan des idées d'abord, mais aussi sur le plan pratique où la doctrine babouviste exercée à l'échelle d'un grand pays aboutira à un désastre économique.

 

La conjuration des Egaux

 

Les révolutionnaires les plus actifs n'admettent pas la politique du Directoire dont le but essentiel, sinon avoué, est de revenir au calme et de modérer les agitateurs. Des groupes se forment pour organiser une insurrection. On contacte Babeuf, tribun populaire, admiré des ultras, toujours prêt à s'engager dans un complot. Une petite coterie se constitue: Babeuf, le marquis Pierre Antoine Antonelle très fortuné à la fois fantaisiste et financier avisé, Félix le Peletier de Saint-Fargeau, frère du conventionnel assassiné en 1793, Darthé, l'ancien secrétaire de Joseph Le Bon, Buonarotti.

Ils se constituent en "Directoire secret de salut public" et organisent une communauté d'agents chargés de communications entre les membres et du recrutement de sympathisants.

La tache est difficile, la prudence et la méfiance indispensables. Les conjurés civils ne peuvent à eux seuls réaliser une insurrection. Il faut trouver des militaires décidés, capables de rallier la troupe et l'on constitua un comité militaire de cinq membres, dont trois joueront un rôle important:

 Germain que Babeuf a connu à Arras en prison, Rossignol général sans-culotte qui s'est illustré en Vendée... et Grisel un Abbevillois, fils d'un tailleur, qui a été une première fois réformé pour sa petite taille mais a quand même réussi à entrer dans l'armée en 1791 et qui est présentement capitaine.  Tous ces personnages se rencontrent clandestinement, complotent, manquent certains rendez-vous parfois volontairement et surtout s'illussionnent sur leurs possibilités de réussite.

Il serait fastidieux de conter toutes les réunions manquées, les contre-ordres, les inquiétudes qui sont le lot de toutes les conspirations. Cette agitation a attiré l'attention des autorités qui mettent en garde les fauteurs de troubles.

Les conjurés réagissent. Babeuf parle des dernières convulsions d'une tyrannie apeurée, du peuple esclave, misérable et terrorisé. Des bruits courent, on s'attend à une insurrection et la police collecte des renseignements.

Lors d'une réunion au domicile clandestin de Babeuf, Grisel quand vient son tour de prendre la parole, pose la question : « Quand vous aurez renversé le gouvernement,que mettrez-vous à sa place ? ». Babeuf répondit: « On a prévu tout cela ».

Grisel commence à trouver tout cela hasardeux et chimérique, d'autant qu'il n'a jamais adhéré profondément aux idées égalitaires et libertaires de Babeuf. Par contre, il mesure bien tous les risques et il semble que dès cette période, il est décidé à trahir. Il laisse se développer la conjuration, faisant preuve de zèle, encourageant ses camarades, estimant que la répression serait ainsi plus complète. Il est reçu par Carnot et le ministre de la police, Cochon.

Il donne des noms et surtout l'adresse de Babeuf qui vit caché rue de la Grande Truanderie. Le 10 mai 1796 à Il heures du matin, la police fait irruption. Il y a là Babeuf, Buanarotti et Pillé qui sont arrêtés.

Cette insurrection était-elle si menaçante et le danger si grave ?

Si la conjuration avait réussi, ses auteurs étaient-ils capables de devenir des administrateurs ?

Leur esprit chimérique et leur propension à la logorhée répétitive permettent d'en douter. En outre, leur succès n'aurait pas manqué de déclencher une très vive opposition car, une poignée de fanatiques mise à part, la population aspirait au repos et non pas à de nouvelles convulsions.

 

Le procès 

 

Interrogé par le ministre de la police, Babeuf essaie de négocier, se présentant comme le centre d'un mouvement populaire puissant et organisé. Mais déception, les sympathisants ne pensent qu'à se faire oublier et l'armée reste indifférente.

Puisque le principal inspirateur et responsable est pris, il ne sert à rien de se faire remarquer. La discrétion et autant que possible l'amnésie sont de rigueur. Les inculpés sont au nombre de soixante-cinq, mais on 'en peut arrêter que qua-

rante-sept, alors que la liste de Carnot comporte deux cent quarante-cinq noms. Certains et non des moindres comme Drouet, Lindet, Rossignol, ont disparu. Les inculptés sont transférés à Vendôme, où siège la haute cour, dans la nuit du 28

au 29 août 1796.

Le procès commence le 2 février 1797. Le défenseur principal était Pierre François Réal étonnant personnage né en 1757 , mort en 1834, qui traverse sans dommage la révolution. Il y avait seize jurés dans ce procès. La mauvaise volonté des inculptés fit traîner les débats.L'accusateur fit un tableau apocalyptique de la société souhaitée par Babeuf, celui

d'une anarchie généralisée, orchestrée par des tyrans sanguinaires. Les accusés multiplient les incidents de procédure et nient l'existence d'un complot, prétendant n'être qu'une association d'amis qui se réunissent pour échanger des

idées. Babeuf présenta sa défense pendant cinq séances consécutives en lisant plus de  deux cents pages. Elle manquait d'habileté et consistait à réduire l'importance de sa fonction dans la conjuration.

Babeuf et Darthé furent condamnés à mort, Buonarotti, Germain, Cazin, Moroy et Blondeau à la déportation, les autres acquittés.

Babeuf essaya de se suicider en entendant le verdict, mais soigné il fut guillotiné le 27 mai 17979.

La veuve de Babeuf s'installa à Paris comme marchande de toilette. Elle fut souvent inquiétée par la police, en particulier lors de l'attentat de la rue Saint-Nicaiselo et de la conspiration du général Malet1l.

Griselle dénonciateur put réintégrer l'armée. Il devint adjudant de la place et du château de Nantes où il mourut le 22 juin 1812.

Babeuf, passionné et exalté, avait passé de 1790 à 1797 près de trente-deux mois en prison, c'est l'assurance de sa sincérité. L'admiration et l'intérêt pour le Babouvisme lui ont survécu.

Marx, Jaurès et les penseurs de doctrines socialistes lui ont toujours rendu hommage et ont reconnu leur dette. Loyal, isolé, parfois rusé, souvent naïf, courageux, il reste le grand doctrinaire d'un égalitarisme mythique.