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Les Francs sont là.




En l'an 475, les Francs retrouvèrent ce pays ami où ils aimaient déjà se rendre en visite privée. Le Vermandois, pays de lait, de miel et de vin gardait une culture ancestrale celtique où les feux de la saint Jean sur toutes les buttes du pays annonçaient l'hiver et où le 25 Mars, les druides vêtus de robes blanches allumaient les bûches sacrées. Les deux peuples se ressemblaient dans leur mode encore très rustique de vie, dans la préférence de la chasse et de la chevauchée sur la lecture et la réflexion et dans la certitude que l'existence libre et au grand air valait tous les palais du monde. Les Francs arrivaient de loin avec une réputation un peu moins mauvaise que les autres pour avoir su cohabiter longtemps avec les Romains, tout en gardant des liens avec des tribus plus hostiles comme celles de Thuringes, les Saxons, les Suèves, les Alains et même les Vikings. Une certaine pureté raciale les distinguait des Mongols, Hongrois, Asiatiques laissant à penser aux ethnologues qu'ils venaient de Scandinavie alors que leur langue les rattachait aux langues germaniques dont certains dialectes sont encore très proches de l'ancien francique.Cette tribu, sous le règne de Clovis, traversa le Vermandois,accompagnée de Ragnachaire, roi de Cambrai pour se défaire de Syagrius , dernier principe romain qui se reconnaissait au service de l'empereur d'Orient, puisque plus personne à Rome n'assurait la continuité.La victoire de Soissons en 486 n' est qu'une date car la bataille n'eut rien à voir avec celle des champs catalauniques. D'abord, Clovis traversa sans aucune difficulté notre région, l'évêque de Vermand envoya certainement des fax à ses homologues de Reims et Senlis,ce qui facilita la marche en avant plus que le contraire. Coucy, qui dépendait de l'évêché de Reims, aurait pu être un obstacle infranchissable, aucune halte n'y fut faite.Pourtant en rentrant à Soissons, Clovis mettait la main sur l'inébranlable administration fiscale qui, par delà les temps, constituait l'épine dorsale du pouvoir des colonisateurs et, dès lors, il ne sera plus parlé d'une tribu mais d'un Etat, du royaume franc, du royaume de France. Dans cette métamorphose qui résulte du passage d' un monde sans écriture et sans administration à une puissance financière et juridique, le Vermandois comme les Francs perdront leur caractère tribal. Pourtant cette ethnie, petite ramification d'une ou plusieurs autres branches, avait un nom. Jules César parlait de la cité des Viromandues ; le village de Vermandovilliers indique aussi clairement que les hommes d'ici ne peuvent se confondre avec ceux d'à côté ! .
L'origine de l'ethnie comme de son nom reste inexplicable , aussi convient-il de dresser ici l'inventaire des suppositions.La chronique du Hainaut, qui est un ouvrage important, cite un certain Vermandion, chef des huns, ce qui a laissé à penser qu'une branche de ce peuple soit venue s'installer, mais l'hypothèse est, bien sûr, à exclure, car le nom latin circulait bien antérieurement.
Par contre, il se peut fort qu'un ou plusieurs chevaliers de chez nous, hostiles à Aetius aient rejoint la coalition formée par Attila et aient été reconnus comme Vermandions.Plus parlant est le rapprochement entre Vermanus et Germanus, surtout en rappelant que le sens étymologique de germanus est vrai, authentique. Que quelques germains pussent avoir été reconnus comme patriarches de la tribu relève de la forte probabilité. L'analyse latine du mot vermandois mérite aussi d'être citée mais rend perplexe car la traduction en "porte parole du vrai" peut aussi bien être retenue que celle de "mangeur d'hommes". Les origines du Vermandois s'éloignant jour après jour, la tentative d'explication devient sujette à délire affabulatoire. Il nous faut, à nous qui demeurons les pieds sur terre nous contenter de nous interroger sur le miracle de la transmission de la terminologie . Comment, donc, la population en changeant de colonisateur va-t-elle conserver ce signe distinctif, incorporé dans son nom.
L'administration romaine, dont l'efficacité fiscale et militaire a tenu l'Europe pendant plusieurs siècles, avait installé sans doute dans notre contrée un dignitaire de haut rang, citoyen romain nécessairement, de longue ascendance et avec des états de services qui lui valaient une liste civile rondelette. Rome, dans nos régions, avait accordé à ses semblables un titre de comte dont l'importance se mesurait à leur panier, c'est-à-dire à l'assiette fiscale qui leur était reconnue. César avait trouvé un peuple, les romains convertiront cette manne en un panier confié à un comte et les Francs reprendront la place telle quelle. Douze siècles plus tard, un individu dont les attaches avec la région seront des plus ténues, se déclarera toujours comte du Vermandois. Les habitants du pays lui seront tout à fait étrangers, ses revenus tirés de chez nous insignifiants et pourtant, le Comte du Vermandois portera à la face du monde la conscience d'être le président d'un conseil imaginaire de surveillance d'une personne morale enregistrée au début des temps historiques. En lui supprimant son titre, l'individu perdra la boule et la société, un archiviste payé avec des ronds de jambes et des flatteries de petit garçon. Les générations suivantes seront, elles, les vraies perdantes, car l'entité sera découpée, de nombreux villages voisins n'auront plus les mêmes valeurs, la capitale perdra son arrière pays, les recherches archéologiques d'Athies seront séparées de celles de Vendeuil ou de Vendhuille;combien de blessures à l'amour-propre du pays, par pure méchanceté ?.
La sagesse des Francs, en arrivant chez nous, sera profonde et vénérable. Même en changeant les hommes et les dieux, n'est-il pas plus sage de récupérer des titres qui accordent la légitimité et ne sont que tigres de papier plutôt que de les brûler au nom d'un hypothétique progrès qui restera toujours à démontrer ? .
Mérovée, Clodion, Clovis, que beaucoup de manuels rangent parmi les barbares, ont été tout le contraire et notre terre en porte témoignage.En effet, si les premiers gouverneurs de la province sont peu connus, on sait que Léodégarius, ou Léger fut comte de Boulogne en 484. Eméramus ou Aimeri épousa une comtesse d'Aquitaine et agrandit les provinces sous son autorité. Wagon 1er lui succéda en 511. Wagon II s'enrichit de seigneuries dans le Cambrésis et en Bourgogne. Il avait marié sa fille Bertrade au roi Clotaire II qui hérita ainsi du Vermandois vers l'an 600. Dans la famille royale mérovingienne, le Vermandois sera confié à Garifrède vers 660 par Clotaire II. Ce comte fut donc le premier d'une longue lignée qui, après le capitulaire de Quierzy vers 870, ( Il s'agit de ce petit village à côté de Noyon, dont il sera souvent parlé par la suite ) prendra soin de faire enregistrer tous ses membres. Les Francs prendront le relais des Romains souvent par le jeu des mariages, à tel point qu'il sera souvent jasé, par des cours jalouses d'Europe et d'Asie, que la France descendait des Gaulois par les femmes et de Rome par les mâles.La France se distingue nettement des pays, états , Land du reste du monde par la féminité qui caractérise cette nation. Marianne figure une réalité profonde qui commença en cette époque lointaine après les sacrifices de Sainte Benoîte, de Sainte Grimonie et grâce à la première de nos reines : Sainte Clotilde.
Clotilde, comme son futur époux, n'était pas issue de familles du type bon chic, bon genre. Son père Chilpéric et son oncle Gondebaud se disputaient la Bourgogne, dominée par un envahisseur germain, goth et arien, qui s'étendait de Metz jusqu' aux confins du Mâconnais. Le voisin du nord et de l'ouest n'était autre maintenant que la tribu franque. Entre les deux zones, Saint Rémi priait Dieu et parlait de paix. Que le mariage ait été arrangé, n'étonnera personne.Clotilde fut élevée par Gondebaud qui avait assassiné son père. Un jour, elle recevra la visite d'un mendiant Aurélius, agent secret d'une puissance étrangère qui lui parlera de Clovis et obtint, dit-on, son consentement. Gondebaud donna le sien aussi, pensant se débarrasser d'un témoin gênant et convaincu de sa supériorité sur la tribu voisine.Le mariage eut lieu en 493 et fut heureux puisque plusieurs enfants naîtront. Clovis s'était marié à 27 ans et mourra à 45. Pendant ce laps de temps, il arrêtera la progression des Alamans à Tolbiac avec l'aide de Dieu et au prix de son baptême, vengera son beau père en battant le fils de Gondebaud et en annexant la Bourgogne, puis en battant les Wisigoths à Vouillé près de Poitiers. En 510, à Tours, l'Empereur de Byzance Anastase consacrera sa gloire en lui conférant le titre de " roi des Romains ".Il mourut en 511 et fut enterré à Paris, à l'église qui venait juste de recevoir le corps de Sainte Geneviève. Pour être complet, il faut aussi ajouter qu'il trucida pratiquement tous les petits rois de Cambrai, Tournai, jusqu'en Rhénanie qui pouvaient faire ombrage à son pouvoir. L'histoire lui fit reproche de ces règlements de " comtes " et le félicita de l'anéantissement des royaumes burgondes et wisigoths. Pas un jugement de l'histoire ne sera jamais exempt d'idéologie et de parti pris. Toutes les annexions trouveront des défenseurs patentés . Toutes les mesures de police seront, pour l'éternité, impopulaires.
Pourtant l'appréciation historique est tout à l'opposé des intentions avouées de Clovis. La vengeance inspirée par Clotilde et l'action militaire commanditée par saint Rémi ne visaient pas vraiment à une annexion. Clovis tenait à chasser l'arianisme et à honorer ainsi la promesse faite à Rémi d'être l'apôtre de la Trinité. Son but n'était pas de piller ces états, ni de les déstabiliser. Sur le plan intérieur, la cruauté du roi fut indiscutablement sanglante mais n'était-elle pas le vrai prix de l'instauration de la monarchie. Le roi portait l'onction divine, son pouvoir était un, même si son dieu était triple. Tous les autres étaient de trop.Dans l'histoire de France, Clovis n'accéda pas à l'ordre des saints. Pourtant son prénom se perpétuera d'âge en âge sans aucune objection religieuse. Saint Louis comme tous ces homonymes prédécesseurs étaient dépourvus de saint patron. Pas tout à fait, Clovis avait une sépulture solennelle, avait reçu le pouvoir de guérir les écrouelles et était célébré dans certaines églises.
Lorsque Louis IX vint inaugurer la basilique de Saint-Quentin, sept siècles après Clovis, le roi, dit-on, fut très ému d' être sur un des hauts lieux de la vie de son saint ancêtre, pratiquement dans la ville de son saint patron.L'importance du passage de Clovis dans le Vermandois pour l'histoire du monde comme la Sainte Trinité s'élèvent au rang des articles de foi. Rien ne le prouvera jamais. Toutes les objections s'effondrent pourtant devant l'évidence.



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