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L'arrivée des FRANCS



L'époque, où traversant le Vermandois, Antonin avait mesuré, en pieds romains, la distance de Augusta à Cambrai, Condren et Soissons, remontait à deux siècles déjà. En dépit des troubles populaires, la province occupait une place centrale dans le dispositif et dans les finances. L'Empire romain n'avait finalement jamais été aussi proche. Valentinien était venu présenter son fils aux troupes à Amiens. Le porteur de l'héritage culturel romain portait le doux nom d' Ausone. Grammairien érudit, cet éminent latiniste était originaire de la région bordelaise et il chanta les côtes de Saint-Emilion dans de nombreux poèmes. Chrétien de peu de conviction, il fut surtout le précepteur du futur empereur Gratien à Trèves qui était une des quatre résidences impériales avec Rome, Constantinople et Alexandrie de 367 à 385 .
Vers 377, 378 arrivèrent des steppes centrales poussés par le vent d'est, les Wisigoths et les Ostrogoths : variété juive-arienne, issue peut-être des 12 tribus d'Israël. Ces peuplades demandèrent asile à l'empereur représenté à Constantinople. Celui-ci, hors d'atteinte des vagabonds et pourvu de sérieuses réserves en nourriture, refusa. Le droit à l'immigration ne pouvait être reconnu aux arrivants puisque les Romains n'occupaient véritablement nos latitudes que depuis deux siècles. La décision prise, Gratien confia l'Orient à Théodose. La coupure demeurait formelle mais lorsque , après une courte cavalcade, les Ostrogoths furent arrêtés aux frontières actuelles de la Yougoslavie et que les Wisigoths pillèrent Florence et Pise vers 400, l' Occident et l'Orient firent leurs adieux pour des millénaires. Même la route Rome àTrêves présentait dorénavant des péages périlleux !. Les Romains de nos régions ne pouvaient plus se fier au Rhin et aux Oppidums du Nord, ils passèrent des contrats avec les chefs de tribus voisines : Francs au Nord de part et d'autre du Rhin et donc soumis en partie, Alamans sur la forêt noire et l'actuelle Ruhr, Burgondes un peu plus loin. Un fléau, outre l'instrument à battre le blé, définit le fer d'une balance. Quand il apparut en Occident, Attila devint le " fléau de Dieu ". Malgré la forte odeur de ses accoutrements et ses grosses moustaches, il fut sans doute moins meurtrier que Théodose qui extermina 7000 chrétiens en Thessalonique et, pourtant, mérita son titre. La balance changea de côté et de 430 à 450, les piliers de l'Empire romain d'occident vacillèrent sur leurs bases pour choir définitivement en 478.
Attila, selon diverses sources, aurait dévasté l' Augusta du Vermandois après Reims et Laon ; pourtant peu de preuves indiscutables l'attestent. Son itinéraire dans notre pays ne fut guère glorieux et une espèce de miracle incompréhensible fera que la croix des chrétiens, on ne sait pourquoi, atténuera partout ses ardeurs. Il est vrai qu'à Metz comme à Reims, les seuls opposants seront les évêques qui s'offriront vivants à l'épée du barbare. L'humain mongol dut se lasser de tueries de notables en robe et sans armes, n'est-ce pas, hun ? A Paris, l'obstacle s'appellera sainte Geneviève. Abomination ! Son chemin de croix se poursuivra jusque devant le pape Saint Léon où il n'aura même plus le réflexe de mettre sa main sur la garde de son épée.
Partout ailleurs, ses manières de faire provoquèrent des fuites éperdues. Les premiers à déguerpir devant les Huns furent les Vandales. Dans leur course éperdue, ils rasèrent Vermand, Marteville, Amiens, Arras? Tournai, Soissons, Reims mais échouèrent sous les remparts de Laon. Etaient-ils suivis, accompagnés ou précédés par les Alains et les Suèves ? .
Le problème des langues et la rapidité des faits firent obstacle à un enregistrement et au contrôle des visas, l'infiltration fut vraisemblable. L'empire prenait l'eau de toutes parts. Les Wisigoths en 410 atteignent Rome, la pillent et rejoignent l'autre colonne qui ira fonder un royaume wisigothique de Gibraltar jusqu'à Bordeaux. Dans notre région, ce qu'il restait de citoyen avait dû trouver l'abri dans les bois et le vide s'était installé dans les murs des villes. Cette situation s'avérait bien tentante pour la petite tribu des Francs qui de Maastricht, Liège jusqu' au relief du Teutoburger Wald, cherchait un peu de soleil et de considération. Clodion, leur chef, vint en 428 jusqu'à Cambrai et régla le sort des derniers fonctionnaires en place. Pour parcourir le trajet de Cambrai à Saint-Quentin , les premiers Francs eurent besoin de 20 années et en 448, dans le climat jubilatoire consécutif à la prise de possession des sources de la Somme et de l'Oise, de deux villes et , sans doute, avec une forte participation de la population locale, une fête que l'on ne peut que qualifier de populaire échauffa les Francs et les Vermandois. La vigne poussait chez nous, et le vin devait avoir une robuste charpente. Noyon, La Fère, Laon, Amiens, Paris, Reims demeuraient sous le contrôle des troupes romaines et de leurs reîtres. Aétius était leur général et disposait encore de troupes disciplinées. Profitant de la beuverie, elles vinrent, sans invitation, au milieu de la surprise partie et défirent la joyeuse bande. Mérovée et Childéric retournèrent prudemment au nord de Cambrai, sans amertume jusqu'au jour où Aétius envoya ses agents secrets pour solliciter l'aide des Francs. La mission fut aussi dépêchée à Toulouse auprès du roi des Wisigoths. Une coalition armée bien hétéroclite et disparate, sous le commandement d'Aétius, préfigurait un consensus national, poussé par un instinct primaire de conservation. Attila avait pillé Metz, la Champagne, évité Paris à cause de Geneviève puis avait buté contre Aetius et Theodoric, le Wisigoth à Orléans. Aetius et Attila étaient de vieilles connaissances puisque le premier avait séjourné à la cour, bien plus policée que l'imagerie le prétend, du chef des Huns.
La troupe renforcée par les Francs de Mérovée fut rassemblée près de Troyes, sur les célèbres champs catalauniques et, là, en automne 451, la horde sauvage du fléau de Dieu fut vaincue. L'armée coalisée d'Aetius écrasa un autre regroupement de circonstance de tribus de Germanie. Théodoric de Toulouse aurait pu occire le père du futur Théodoric des Ostrogoths avant de perdre la vie,à son tour. Cette bataille compte parmi les plus importantes de l'histoire et parmi les plus sanglantes.250 000 hommes y auraient trépassé.
Les pertes, dépassant les espoirs de gain, Attila fit demi-tour vers la Hongrie avec un petit crochet à Rome où le pape comprenant la détresse du soldat blessé dans son honneur lui signa un chèque, lui recommanda une retraite bien méritée et l'assura même de son amitié s'il quittait le plancher au triple galop.
La boucherie de la bataille et le retour penaud de l'envahisseur accélérèrent l'agonie de l'Empire. Aetius n'avait été qu'un élément du rempart où le pape, Sainte Geneviève et les alliés francs formaient les tourelles principales. Egidius, fils de Aetius succéda à son père mais ne put pas empêcher les Francs de redescendre vers l'Oise. En 475, les Francs seront définitivement installés chez nous. Possibilité de s'y fixer s'offrait définitivement à eux puisqu'en 476, Rome sombrera , laissant la place à une tribu amie, on ne sait pourquoi,les Ostrogoths. Cette amitié, si ce terme convient dans un univers qui réapprenait la diplomatie, sera confirmée plus tard quand Théodoric, roi des Ostrogoths, celui-là, et non des Wisigoths ( le Théodoric de Toulouse avait péri aux champs catalauniques), épousera une soeur de Clovis. Ce nouveau monarque mariera sa fille au roi des Burgondes, sa nièce au roi des Thuringiens, sa soeur au roi des Vandales occupant Carthage et sa dernière fille au roi des Wisigoths.L'empire perdurait mais les lois de la démocratie aristocratique romaine faisaient place à une diplomatie de chefs de tribu et d'alliances matrimoniales. Tous les historiens affirment qu'il s'agissait d'un retour à la barbarie. En une génération, pourtant, ces monarques seront chrétiens, les femmes occuperont des positions sociales qu'aucun empereur romain n'avait accordées à aucun membre de la gent féminine et la chrétienté soutendra une internationale européenne omniprésente.

Les Quentin et Benoîte avaient eu beaucoup de semblables en deux siècles aux quatre coins de l'Occident. Comme Saint Martin, qui n'eut plus à connaître ce sort, ils faisaient toutefois partie de la "haute", et portaient la tunique romaine. Notre région pourtant suivit le mouvement: l'évêché de Saint Quentin, en effet, entama sa lignée avec Hilaire en 365 après JC. Il fut suivi de Martin, Germain, Maxime, Fossone, Alterne, etc Sophronie en 511, Alomer en 530, Saint Médard en 531 etc etc.......
L'institution existe toujours, malgré ses doutes.....

Le catholicisme aura, tout au long des siècles, une histoire ambiguë avec notre région et ses habitants. En ce quatrième siècle et début du cinquième, deux points de repères attestent d'une présence chrétienne déjà forte : Clovis donna La Fère à sainte Geneviève en reconnaissance pour son intervention inspirée contre Attila et contre Egidius,à Homblières, fut retrouvée dans une tombe un des témoignages les plus précieux de la Gaule primitive. Il s'agit d'une coupe ou d'un ciboire en verre peint, représentant Daniel dans la fosse aux lions et Adam et Eve au Paradis terrestre. En son centre , le chrisme PX est entouré d'étoiles, symbolisant le firmament .
L'objet est maintenant visible au Louvre.Homblières reçoit-elle les dividendes du legs d'un de ses anciens ? Retire-t-elle, simplement, la fierté de savoir ? Le vol du bien et l'oubli me semblent plutôt son lot.L'autre témoignage a la forme d'une énigme. Les premiers Saints, après les apôtres, furent désignés par des décrets impériaux les condamnant au martyre. Saint Martin innove par la charité et le dévouement épiscopal. Il rencontrera un jour Saint Patrick qui réussira aussi paisiblement à évangéliser l'Irlande, c'est à dire la dernière branche authentique des Celtes. L'Irlande et la France ont une très vénérable histoire commune qui commença en ces siècles et nous a apporté une sainte très proche puisqu'il s'agit de Sainte Grimonie, Vierge et martyre célébrée à la Capelle. Contrairement à Sainte Benoîte venue du Sud, Grimonie est née en Irlande et était fille de roi. En contact avec les premiers évangélistes, elle fut instruite dans la foi catholique alors que ses parents restaient fidèles à la religion et aux traditions de leur royaume celtique. L'ordre du monde la désignait pour épouser le vaillant chevalier beau ou vieux, puissant même impuisssant que ses parents lui choisiraient. Tel était bien l'ordre universel ! Grimonie, capricieuse sans doute, s'enfuit, traverse la mer déchaînée pour rejoindre la Gaule belgique où le culte nouveau est tolérée. Craignant une incursion de piraterie armée par ses parents, elle remonte jusqu'en Thiérache, en vivant simplement et en fréquentant les lieux de prière. Profitant, sans doute, de complicité de la part des Francs encore barbares, une troupe de soldats irlandais arrive à la retrouver dans sa lointaine cachette. A nouveau, elle refuse de se soumettre à l'autorité parentale et à l'ordre séculaire des choses. La promesse d'un beau mariage ne la fait pas fléchir. Elle est mariée au Christ. Cet aveu lui vaut la mort. Enterrée subrepticement par la troupe irlandaise, sa mort sera rapportée par les chrétiens du pays comme une histoire singulière car les histoires de famille ne sont pas des affaires publiques, mais la mémoire des femmes perpétue l'évènement. Le corps est retrouvé intact, plusieurs décennies après, de nombreux miracles se produisent et le village de la Capelle naît autour de la chapelle. Les ossements de Sainte Grimonie, comme ceux de Sainte Preuve, elle aussi vierge et martyre postérieurement à Grimonie, ont été cachés sous la Révolution et demeurent parmi les objets constitutifs de notre civilisation.Le débat sur la place de la femme dans le monde déchaîne encore des passions primitives alors que, pourtant, chacun sait bien que, sans le sacrifice de Grimonie, la liberté et l'humanité seraient des valeurs plus étriquées et moins exaltantes.


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