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Saint Gengoul et Sainte Hunégonde, Joyeuse et Durandal



Tout était dejà tracé sur la terre et dans le ciel, lorsque Pépin le Bref fut rappelé à Dieu. Jérôme, son frère, tenait le Vermandois ; le domaine des Francs nichait entre des frontières sûres et reconnues, les alliances avec la papauté étaient scellées.
Le monde chrétien avait reçu la grande majorité de ses saints et ceux ci avaient trouvé des emplois à durées éternelles. Surtout l'éducation des enfants venait de marquer une timide avancée, témoignant d'une modification plus profonde, voire révolutionnaire : la famille chrétienne modelait la nouvelle société. Le couple de Berthe et de Pépin en donne une preuve éclairante. Les clercs se conformaient depuis le synode de Tours à cette contrainte, avec profit pour l'Eglise mais il manquait à cette organisation sociale un saint patron défenseur des mariages chrétiens .... ratés.
Pour la défense de l'institution, il fallait au ciel un avocat qui puisse plaider. Grâce à Gengoul, qui fut un vaillant compagnon d'armes de Pépin le Bref, ce sera chose faite. Trahi et trompé autant qu'on peut l'être par une femme volage et pire, il se conduira en époux chrétien , dévoilant enfin au monde ce qu'il fallait faire dans cette situation embarrassante :
comment démontrer la faute d'une femme qui n'avoue pas ( le test de l'eau tiède qui a été remplacé depuis par d'autres tests plus fiables) , comment traiter la pécheresse ( réclusion à vie au couvent, moyen d'exécution dont la disparition a largement contribué à l' affaiblissement de l'institution) ! La réponse est enfin livrée aux victimes de ce sacrement .
Saint Gengoul, cocu éternel originaire de Varennes et d'Avallon, mérite beaucoup plus que nos prières. Nous lui devons notre admiration pour lui-même et pour sa cause. Sans lui, ni l'Afrique, ni l'Asie, ni l'Amérique n'atteindront le degré culturel de notre région du monde .
Avec Joyeuse et Durandal qui ont très certainement été fondues dans les forges de nos villages, il va solenniser la force de nos institutions. Celles ci dureront inébranlables pendant plus d'un millénaire, assureront l'absolue suprématie d'une civilisation qui depuis le divorce et Malraux sait qu'elle aussi est mortelle. La relation dans ce mémorial de la vie de Saint Gengoul ferme ce huitième siècle qui fut l'un des âges d'or de la contrée en insistant sur le très long cheminement de cette institution singulière qu'est le mariage chrétien. Sainte Hunégonde, née à Lambay en Vermandois, qui deviendra abbesse de la grande abbaye de femmes d'Homblières, connue depuis déjà plusieurs siècles mérite aussi dans ce cadre d'être citée . Presque cent ans avant Gengoul, elle aussi sera aimé d'un homme qui voudra être son époux mais pour des raisons de vocation, elle choisira "l'habit" et la virginité. Pour autant, Eudaïde, notre ancêtre l'aimera jusqu'à son dernier jour et comblera l'abbaye de présents et de dons.
L'amour aura franchi deux étapes fondamentales de sa destinée : le remords et le regret. Ni l'un, ni l'autre ne faisaient obstacle à l'institution du mariage, celui ci prendra alors la place centrale que nous lui connaissons dans la vie intime de chaque être et de la société entière.
Dans ce monde où percent les premiers accents romanesques, chevaleresques et romantiques, Charles arrive comme un gaillard mal dégrossi qui aurait pu mal tourner si la voie n'avait pas été balisée par son père et l'exemple donné par sa mère.
Ce n'est que tardivement que ce batailleur et ce coureur de filles et de grands chemins cherchera à comprendre par lui même. La rencontre avec le sage Alcuin d'Angleterre, rencontré comme par fait de providence en Aquitaine, après le rude choc de Roncevaux, tranchera le règne très long pour l'époque (45 années) en deux périodes assez distinctes. Dans la première Charles soumettra la monde : les Aquitains orgueilleux, les Saxons infidèles, les Lombards avides, les Bretons indépendantistes comme on fait plier la bête traquée à la chasse avec de l'intelligence, de la vivacité et de l'instinct.Autour de lui, les historiens ont chiffré à quatre mille environ son armée de chevaliers. Bien sûr, c'est l'aristocratie de nos régions mais l'ascension sociale n'est pas un vain mot et le peuple fait corps derrière ses chefs. La légitimité du pouvoir ne se fonde pas encore sur des titres, la vaillance demeure le critère mais avec la condition nouvelle que celle ci ait une cause juste.
Après Roncevaux et le début de la correspondance avec Alcuin, Charles sera tout aussi présent à cheval mais se fera lire à chaque repas des extraits de Saint Augustin. La science, l'aménagement de ses châteaux, la construction du canal Rhin/Danube, la justice, la musique romane, la prospérité de toutes ses possessions du Vermandois et d'ailleurs, constitueront autant de sujets d'intérêt pour cet être en construction permanente.
Une polémique d'historien porte sur la question de savoir si Charlemagne a véritablement désiré la consécration impériale et son titre d'Auguste. Derrière la confrontation d'idées, l'analyse cherche à mieux cerner la personnalité de l'homme. Charles possède déjà une kyrielle de titres à son arrivée à Rome et la plus grande part a été gagnée par l'épée mais à Rome, il est Patrice des Romains presque par hérédité, son père n'avait-il pas été nommé patrice en même temps qu'il recevait l'onction royale conjointement avec ses fils ?. Charlemagne n'a pas de maître mais il comprend la prodigieuse situation que lui a léguée le Bref. La couronne impériale ne l'intéresse nullement sauf si ses fils sont associés à l'évènement, comme il le fut avec son père.
Charles ne demande pas les honneurs, il revendique la charge pour lui et ses descendants, il accepte les signes du pouvoir pour l'exercer, pas pour s'en parer. Le sens de la famille, de la lignée et de la justice historique transcende complètement la satisfaction de la promotion . Notre empereur s'affirme déjà comme un capétien et pourtant il vit comme un Franc. A cause de sa vigueur, il faudra restaurer dans les annales le terme de concubine, dont la connotation latine était très mal vue et qui s'ajoutera à celui de femme, épouse, compagne.
Beaucoup de filles du pays plairont à ce gaillard. Il aimera moins, semble-t-il, les intellectuelles et les ambitieuses de haute naissance mais succombera, en fait, facilement à toutes les belles. Il résistera pourtant aux tentations de >" l'affaire du siècle", qui sait le "coup du millénaire " : l'impératrice de Byzance :Irène .
Les avantages de la réunification de l'Empire romain surpassaient toute comparaison et la voluptueuse impératrice avait en plus tous les charmes de la persuasion. Charles ne joindra ni l'utile, ni l'agréable car il est trop fils de paysan de chez nous. Il n'aime pas les grandes villes et surtout cette alliance risque de diluer son pouvoir, celui >de sa parentèle et celui de ses propres enfants. Un tien vaut mieux que deux tu l'auras !.
Car d'avoir galéré en chevauchées éperdues de Saragosse à Cologne et de Utrecht à Rome, Charles sait mieux que personne que l'on ne connaît pas ce que la main n'atteint pas. Dans la réticence à gravir la dernière marche de la consécration humaine, l'empreinte de la personnalité est la plus forte. Les vrais raisons du refus du voyage à Constantinople restent parmi les grands mystères de l' histoire. Considérée, de notre point de vue régionaliste et avec le recul de 12 siècles, la décision de Charlemagne conforta la prospérité de notre Europe neustrienne et austrasienne et lui assura un développement réel pendant un demi millénaire, à " l'abri de frontières sûres et reconnues ". Et pourtant l'excès de nationalisme étroit qui va en résulter anéantira nos villes avec une violence bien pire que celles des pirates barbaresques qui seraient devenus nos amis si Charles l'avait voulu !.
De cette heure aussi, le destin de notre pays se trouvera marqué. En choisissant la sécurité et le repliement, Charlemagne pouvait-il imaginer que la région qu'il adorait parcourir derrière le cerf traqué serait anéantie par la mitraille, la bêtise et la petitesse de l'esprit humain ?.
Grâce lui soit cependant rendue, lui qui " inventa l'école ", l'écriture caroline, et fit des dons importants pour la construction de la première basilique de Saint Quentin. Il nomma plusieurs membres de sa famille sur notre bonne terre à fisc et son sang circule encore dans nombre d'habitants de la région.



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