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L'histoire par l'Abbé Decagny (parue en 1867)

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Ce hameau fort ancien, toujours annexé à la paroisse de Croix, est sans doute le seul de toute la France dont une simple lettre ait composé le nom de lieu. Il est mentionné néanmoins sous les dénominations de: lei dans une charte (1080) de Radbod Il, évêque de Noyon, relative à des terres possédées en ce lieu par son Chapitre; Hii dans une autre charte de 1126, d'après Dom Grenier; l ordinaire dans un titre de 1166; puis Hay et Hy dans le dénombrement de Jean lcr, de Nesle, en 1215, où au nombre de ses possessions il désigne: tot ce que j'ai à hy. " On a vu dans les Notions préliminaires que gny, y, iacum, pour ignis, focus probablement, était la finale de plusieurs villages d'une haute antiquité; d'où l'on pourrait supposer que le hameau dont il est ici question aurait reçu son nom d'une importante métairie qui en fut le principe. On doit ajouter aussi que dans la basse latinité la lettre Y désignait le nombre de 150; et remplaçait quelquefois le signe de la croix dans les monogrammes des rois et dans les souscriptions épiscopales. Indépendamment des titres ci-dessus relatés, voici la traduction d'un monument en langue latine de l'an 1166 et assez intéressant par rapport à Y , " Je Baudouin, par la grâce de Dieu, humble évêque de Noyon, à tous les fidèles en Jésus-Christ à jamais. Nous voulons qu'il parvienne à la connaissance de tous présents et futurs que Gunhier de Ham s'est présenté devant nous, et a reconnu que depuis longtemps il retenait injustement, dans une villa du Vermandois nommée l, la troisième partie d'une terre appartenant à l'église St.Pierre de Beauvais; et que devant un grand nombre de témoins, il l'a remise entre nos mains libre et affranchie de toutes charges. A fin que cette restitution soit ferme et irrévocable, nous avons fait disposer ces lettres et les avons revêtues de notre sceau. Fait l'an du Verbe Incarné MCLXVI."
Y était un fief considérable qui appartint à différents seigneurs. D'après deux citations des archives impériales, ce hameau aurait été appelé Yerba dans le cartelinaire d'Eterpigny, aul XIIIe siècle, et sur un sceau de Pierre de Y, seigneur d'Amoiseau en 1324 : mais il paraîtrait que ce sceau aurait été celui d'un seigneur Espagnol qui portait le nom d'Yerba . Rousseville, dans sa généalogie, relate les trois titres suivants relatifs à plusiers membres de la famille de Goussencourt rappelée à l'arlicle Morchaain et habitant ce hameau, dans le cours du xve siècle. En 1427, sentence de Baudot de Noyelles, chambellan du duc de Bourgogne et bailly des châtellenies de Péronne, Roye et Montdidier, par laquelle Jean de Goussencoult demeurant à Y, paroisse de Croix, est déchargé d'une somme de 4 sols parisis à laquelle les habitants dudit Croix l'avaient imposé, attendu qu'il était noble homme et de noble génération extrait et procréé. En 1460, donation au même Jean de Goussencourt par Charles de Thugny, dit Gosseau, écuyer, demeurant à Dury, son oncle, de plusieurs cens à Y qu'il tient de Dlle Marie de Baidicourt, sa mère, et par l'acquet. Passé à Falvy pardevant Pierre Duparc, garde de scel à Péronne.
En 1497, autre acte au profit d'Antoine de Gonssencourt, demeurant à Falvy, au sujet d'une masure à lui donnée par Jean de Goussencourt, son père, attendu que les titres avaient été brûlés pendanl les guerres, (Voir Falvy et Morchain ).
Vers la même époque, en même temps que les Goussencourt, on voit paraître une famille, du nom même du fief seigneurial de Y, issue, selon toute apparence, de la magistrature de St Quentin et ayant eu assez d'illustration dans cette ville et dans la province. Après l'avoir signalée pour sa noblesse distinguée, Colliette rapporte " que le 5 octobre i58', Jean de Y, neveu du célèbre Nicolas, fit ajourner toute la commune de St Quentin pour consentir ou dissentir les lettres de relief qu'il avait obtenues, prétendant l'annoblissement de lui et de sa postérité ".
Toutefois la noblesse de cette maison d'Y était de date récente; ses principaux membres ne portent que le titre d'écuyer; et pour en suivre assez difficilement la filiation, il faut consulter leurs épitaphes pompeuses et armoiriées, mais confuses, qui se trouvaient dans les églises de St-Quentin et de Falvy . Le premier, signalé avec une certaine distinction, est Michel de Y dont l'épitaphe, au côté gauche du chœur de l'église de Falvy, était ainsi conçue: " Cy devant gist Miquel de Y en son vivant escuyer, capitaine et bailly de Ham et de Falvy, et damoiselle Jehanne de Platecorne, sa seconde femme; lequel Miquel de Y décéda au mois de janvier 1462: priez Dieu pour le repos de leur âme ".
D'après une autre épitaphe, on voit qu'il avait pour ascendants : Michel d'Y, marié à Marie de Lannoy, et Nicaise d'Y, époux de Jeaanne de Gonnelieu, inhumés dans un même tombeau en l'église Ste-Benoite de Falvy-sur-Somme. Ses descendants les plus remarquables sont rappelés comme il suit: Noble homme Michel de Y, licencié ès-lois, prévôt, puis mayeur de St-Quentin en 1493, - Michel de Y, prévôt royal à St-Quentin, marié à Isabeau Le Convers, douna la quatrième verrière du grand autel de l'église St-André à St-Qnentin, et la deuxième du sanctuaire de celle de Falvy; comme Marguerite de Y, épouse de Jean de Bar, écuyer et bailli d'Honnecourt, avait donné la troisième, sousS la même dale de 1521: il mourut en 1529. Robert de Y, mayeur de SI-Quentin en 11549, et Marie de Platecorne en 1565.- Robert et Marie Lenain en 1577. - Jean de Y, seigneur de Gaucourt et Marguerite Lescuyer, sa femme, en 157O.- Philippe, mort à Sarlat, en combattant pour la religion. - D'après la citation ci-dessus de D. Grenier, Jacques de Y, écuyer, seigneur de Gaucourt, capitaine de 100 hommes de pied, et Jean, son frère, tués devant Meaux, le 30 mai 1589, âgé le 1er de 23 ans et le 2ème de 21 ans, inhumés dans l'église de St-Pharon de cette ville, - Jean de Y, seigneur de Tournoison et de Gaucourt, écuyer, mayeur de St-Quentin, 184 à 1601. - Robert de Y, seigneur de Tournoison, Séraucourt, Longchamp, etc. noble homme, procureur du roi et longtemps mayeur de St-Quentin, de 1609 à 1638. - Jehan de Y, sieur de Biarre, procureur du roi et mayeur de St-Quentin en 1637, 40 et 46, etc. Il est aussi question d'Eustache de Y dans une transaction de 1661, devant Joseph et de Louen, notaires à St-Quentin. Parmi les membres de cette famille, il y eut encore des lieutenants au bailliage de Vermandois concourant à la rédaction des coutumes, un délégué aux Etats de Blois pour la noblesse, un intendant du Berry en 1700, etc , mais le plus célèbre fut le suivant dont Colliette a fait la biographie en ces termes
. " NICOLAS DE Y, compatriote de Charles de Bovelles (de Sancourt) et son confrère dans l'église de St-Quentin, ne lui céda guère en mérite. Nous n'avons néanmoins aucun ouvrage de lui. Naissance noble et distinguée; titre de docteur en droit, reçu dans l'université de Pavie en laquelle on accouroit alors de toutes parts; l'honneur d'avoir été professeur en cette académie; il eut tout ce qui prouvoit et relevoit le docte personnage; Rendu à sa patrie, Charles Hémard de Denonville, alors évêque d'Amiens et cardinal - 1537 - le fit chanoine et chancelier de son église; il fut aussi son vicaire-général dans son diocèse : emploi qu'il remplit également avec gloire sous Claude de Longwi de Givry, cardinal et évêque du même siége - 154O.
Il eut, sous ce dernier, pour collègue dans le grand-vicariat, Nicolas Lagrené, évêque d'Ebron et dernier abbé régulier du Mont-St-Martin. On dit de François 1er que certain jour il fut si charmé d'un discours qu'avait prononcé en sa présence Nicolas de Y, qu'il l'en complimenta avec transport, et dit devant toute la cour: que 1'orateur méritoit non seulement la place de chancelier de l'église d'Amiens, mais celle même du royaume de France! Il mourut le 28 mai 1568. "
Les armes de celle famille encore existante dans l'ancienne province de Vermandois sont : d'azur, à 3 chevrons d'or, L'écusson de Michel était de plus chargé d'un lambeau d'argent en fasce avec un haume d'argent. Aujourd'hui: de gueules, à une pomme de pin d'or.
On trouye aussi l'Epine Crémery sur le terroir de ce hameau.
C'est à juste titre que celle localité a été érigée en commune; car elle avait anciennement sa mairie. Dans un aveu de juillet 1372 cité à Monchy-I'Agache, il est fait mention de plusieurs terres appartenant anx mayeurs de Y; et, en date du 17 mars 1703, est cité Jean Desmarquet, de Matigny, comme seigneur de la mairie de Y. Cette commune n'a conservé de ses biens que 1 hectare 7O ares 13 centiares rapportant :150 francs.
Toujours elle a fait partie de la paroisse de Croix; mais elle aura bientôt son église particulière, grâce à la pieuse munificence de Melle Emérantine Degagny, de Croix, décédée en 1864, qui lui a légué vingt-qnatre mille francs à cet effet.
Ancien ressort, comme à Croix.

Population: dans ce hameau du Vermandois, d'après Lépéron,
il y avait 28 feux, ou maisons, en :1670; 17 en 1699; 40 en 1709; 6 laboureurs, 45O bestiaux.

En :1867, habitants: 230; maisons, 46; superficie territoriale, 273 hectares.