Opération archéologique sur Travecy, Tergnier, Beautor




Identifiant de l'opération archéologique : 9003

Date de l'opération : 2006 (SP)

1 La carrière de granulats « GSM Aisne-Marne » couvre 250 ha, répartis sur les trois communes de Travecy, Tergnier et Beautor. Elle est située en rive droite de la vallée de l’Oise, à quelques kilomètres de sa confluence avec la Serre, sur une terrasse d’alluvions anciennes. Le relief présente un pendage orienté du nord au sud, vers la vallée, et varie de 72 m à 57 m NGF. Les dépôts loessiques sont fortement érodés et ne persistent qu’épisodiquement dans les secteurs les plus bas, avec de faibles puissances, inférieures à 1,30 m, parfois colluviés sur la partie supérieure. Les alluvions anciennes sont constituées de sables et graviers, fortement ferrugineux dans certains secteurs.

2 L’opération de diagnostic de cette carrière, programmée sur trois années, a été réalisée en 2006 sur une surface de 100 ha, dont les parcelles sondées sont réparties sur l’ensemble de l’emprise, afin de se conformer au plan d’exploitation agricole en cours.

3La méthode de diagnostic a consisté en la réalisation de tranchées continues de 2,5 m de largeur, équidistantes de 20 m entre axe. Des interruptions de tranchée ont été nécessaires à l’aplomb du réseau électrique aérien. De nombreuses fenêtres ont été ouvertes afin de préciser la nature des vestiges et l’orientation des fossés. Prés de 12 % de la surface a fait l’objet de décapage jusqu’au toit des alluvions. Quelques sondages profonds complètent ces investigations.

4L’occupation la plus ancienne reconnue, hormis quelques silex taillés paléolithiques et néolithiques isolés, est constituée de trois structures formant une occupation funéraire attribuée à l’âge du Bronze ancien ou moyen. Deux enclos circulaires dépourvus de sépulture centrale sont équidistants de plus de 200 m. Leur diamètre est de 14 m et 17 m. L’un des fossés présente un profil en V de 1,4 m à l’ouverture tandis que le second présente un profil étroit en U de 0,50 m à l’ouverture et un creusement relativement profond (1 m du niveau de sol actuel). Enfin une urne située à 60 m de l’un des enclos funéraires complète les vestiges identifiés de cette occupation. Dans le même secteur sud-ouest de la carrière, quatre fosses polylobées livrant du mobilier attribué au premier âge du Fer se répartissent sur une vaste surface de plusieurs hectares. Quatre bâtiments de type grenier de stockage complètent cette occupation. Il s’agit probablement de divers noyaux d’habitat ouvert. Au nord de la carrière, deux fosses équidistantes d’une centaine de mètres livrent de la céramique de La Tène ancienne. La présence de grosses scories de fer dans l’une d’elle peut être de nature intrusive. Il s’agit là encore d’une occupation de type habitat ouvert peu dense.

5Trois secteurs, d’un à deux hectares chacun, révèlent une concentration de structures d’habitats qui semblent délimitées par la présence d’enclos fossoyés, révélant parfois plusieurs étapes d’aménagements. Hormis la présence des fossés, ils sont constitués principalement de fosses. Les trous de poteau sont plutôt rares et les fondations de pierres sont absentes. Aucun bâtiment n’a été identifié. Des structures de combustion de formes variées, souvent rectangulaires, sont interprétées comme des fours de forge. La présence de nombreuses scories de fer soutient cette hypothèse. L’essentiel du mobilier recueilli est attribuable aux trois premiers siècles de notre ère mais la présence de mobilier de La Tène finale atteste d’une occupation précoce de certains de ces habitats.

6Au nord du site, sur la partie la plus haute de la carrière, un vaste enclos de forme globalement ovalaire a pu être observé sur la moitié de son emprise. Il continue sa progression sur un secteur qui sera sondé lors des campagnes de diagnostic à venir. Il délimite une zone de près de 4 ha. Ce fossé continu présente une largeur de près de 2,2 m à l’ouverture et un profil en V. Son comblement en surface révèle la présence de grosses scories de fer. Plusieurs petits fossés rayonnent à partir de cet enclos, vers le sud et l’est. L’un d’entre eux est comblé de très nombreuses scories de fer et bordé épisodiquement de fours de forge. Un second enclos quadrangulaire délimite un espace de 60 m sur 40 m environ, avec une ouverture à l’ouest. Il reprend l’orientation du vaste enclos dont il recoupe partiellement le fossé dans sa partie nord. Cet enclos quadrangulaire, qui s’apparente à un établissement artisanal spécialisé semble présenter une organisation interne partitionnée par la présence d’un fossé. De nombreux fours de forge s’y côtoient, parfois même avec des états successifs de recouvrement. Au moins trois zones situées à moins de 100 m de cet établissement de métallurgie artisanale livrent de nombreux trous de poteau formant probablement des bâtiments. Enfin sur plusieurs dizaines d’hectares, on rencontre épisodiquement des structures de combustion de type circulaire dont les diamètres varient de 1,2 m à parfois près de 4 m. Ces structures cendreuses peu profondes ne livrent pas de mobilier. Il s’agit probablement, pour une bonne partie d’entre elles, de charbonnières destinées à la production de charbon de bois nécessaire à l’alimentation des forges. De nombreux fragments de meule chauffés ont été prélevés sur les sites. Ceux-ci ont pu être utilisés sous la forme d’enclume. Les sites ne livrent pas d’outillage ni de produits finis. Quelques secteurs drainés, quelques parcellaires ainsi que deux fossés bordant probablement un chemin antique complètent ces occupations gallo-romaines.

7Quelques fosses éparses livrent du mobilier mérovingien (un vase) et médiéval. Quelques fossés révèlent des tuiles plates et de la céramique vernissée. Quelques fossés sont relatifs à l’ancien cadastre de 1824. Plusieurs secteurs sont pourvus de réseaux de tranchées de 1914-1918 parfois denses, vestiges de la ligne Hindenburg. Une sépulture provisoire a révélé la présence d’un mitrailleur bulgare dont les indices recueillis semblent indiquer le décès lors de l’offensive de l’empereur, en mai 1918. Enfin, de gros impacts de bombes sont à mettre en relation avec les opérations aériennes alliées menées sur le triage de Tergnier, lors du dernier conflit mondial.

8Les principaux résultats de cette première campagne de sondage montrent l’absence d’occupation d’envergure de cette zone antérieurement à la Protohistoire. Une occupation funéraire peu dense sur une vaste surface se conforme aux pratiques observées pour les phases anciennes de l’âge du Bronze du complexe atlantique. Les structures du Hallstatt et de La Tène ancienne définissent de petits noyaux d’habitat ouvert correspondant à des implantations agricoles de rang hiérarchique modeste.

9La majeure partie des structures observées sur les secteurs sondés correspond à une phase chronologique comprise entre la fin de l’indépendance gauloise et le IIIe s. de notre ère. On rencontre ces structures sur près de 50 ha, mais quatre zones présentent une implantation plus dense de structures. Trois de ces zones correspondent à de petits établissements ruraux se livrant accessoirement à de l’activité métallurgique. Un quatrième secteur, plus vaste et difficile à circonscrire, semble plus spécifiquement destiné à cette activité. Il fait probablement l’objet de plusieurs phases d’aménagement. Ce type de site artisanal lié à la métallurgie du fer reste peu documenté à ce jour. Depuis l’antiquité tardive, les secteurs sondés ne semblent plus avoir été occupés de façon pérenne.

10 LE GUEN Pascal (Inrap, UMR 7041 ArScan)