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Combats de la Résistance : le rôle de la Résistance dans la Libération

LES DEBARQUEMENTS ALLIES ET LA RESISTANCE (Suite)

Sur l'immédiat arrière-front
Ce rôle décisif de la Résistance se développa bien entendu à l'échelle de l'ensemble du territoire, mais comment déjà ne pas mentionner quelques grandes lignes du rôle de la Résistance régionale ? La Résistance régionale avait, depuis longtemps, fait parvenir aux Alliés des renseignements extrêmement détaillés et précis sur les forces et les positions allemandes, sur le mur de l'Atlantique et les rampes de lancement de V1 (pour celles-ci, dès le début de leur construction, et avant même que personne ne sache encore de quoi il s'agissait exactement). Toutes ses formations, dans les départements du Calvados, de l'Orne, au sud de celui de la Manche puis bientôt de l'Eure et de la Seine-Inférieure, se trouvèrent dans des conditions inimaginables : densité de troupes allemandes sans égale en France, supériorité aérienne alliée telle que toute liaison de jour à découvert fut immédiatement impossible, les Lightnings, et Mosquitos mitraillant en rasemottes tout ce qui bougeait sur les routes et même les chemins de campagne. Cela n'empêcha pourtant pas que, par exemple dès le 6 juin au matin, le commandant Veto (Le Moal) et un groupe de trois firent sauter à St.-Martin-de-Tallevende 3 camions allemands et 11 tonnes de munitions. Le lendemain 7 juin, le détachement Guillaume Le Conquérant sauvait dans les marais de Varaville un détachement de parachutistes américains et, malgré le feu allemand, le dirigeait vers le gros de la formation. Le 7 juin encore, l'État-Major de la Wehrmacht qui se trouvait à Vire fut privé par les nôtres de toutes communications téléphoniques. Le 8, fut le tour de Lisieux. Et comment ne pas mentionner le passage dans la tête de pont de plusieurs dizaines d'aviateurs alliés tombés en territoire occupé et que maquisards, comptant parmi eux des braconniers, réussirent , grâce à leur admirable connaissance du terrain, à faire traverser les lignes allemandes (que l'on se représente bien ce qu'était ce passage des lignes autour de la tête de pont!). Lorsque nous évoquerons la période de la Libération, nous aurons à citer l'action du maquis de St.-Hilaire-du-Harcouët, celle des maquis de l'Orne, puis de l'Eure, et la participation de la Résistance de la Basse-Seine aux actions qui empêchèrent la VIIe armée allemande, plus tard en retraite, de se retrancher sur les falaises de la rive droite de la Seine. Mais comment aussi ne pas citer en cet anniversaire du 6 juin, le concours décisif du "père Lefèvre" aux " Bérets Verts" du capitaine de corvette Kieffer ? Lefèvre était évidemment Résistant. Habitant quasiment en front de mer à Ouistreham et non touché par le bombardement naval, il découvre le commando Kieffer dans la gare de Riva-Bella. Le commando doit détruire le casino. Or Lefèvre a vu les Allemands le fortifier. Il sait qu'il faut d'abord détruire le grand observatoire, connait les angles morts vers l'arrière, place les mitrailleuses, permet que les restes d'une batterie allemande soient neutralisés par un 75 sans recul, indique où il faut placer un tank pour qu'il détruise le grand blockhaus sans risquer de toucher les Alliés qui arrivent à proximité. Kieffer lui donne un fusil et des cartouches. Il dirige le commando vers l'endroit où passe le câble téléphonique souterrain qui relie tous les postes allemands des plages, le fait couper... puis va rejoindre les artilleurs anglais qui s'installent à Bénouville et les conseille sur leurs emplacements.
La Résistance, cheval de Troie
L'ennemi avait rapidement compris le danger que représentait pour lui la Résistance. Dans le journal de marche du Haut-Commandement de la Wehrmacht, on peut relever par exemple: " La naissance de vastes zones transformées en nids de Résistance ... constituait pour la conduite générale de la guerre un grand danger, et c'est pourquoi il fallait y faire obstacle dans toutes les circonstances". Le 5 juin 1944, exactement la veille du débarquement allié, un rapport de ce Haut-Commandement mentionnait la situation dans le sud de la France, " surtout dans les régions au sud de Clermont-Ferrand et de Limoges". Il énumérait: "Attaques en cours contre des trains de chemins de fer, des localités peu ou mal protégées, les centres administratifs, pillages des camps de travailleurs français, vols de véhicules automobiles et d'essence; libération d'un train de prisonniers, attaques à main armée contre les transports publics...".
Sabotage du pont tournant de Capdenac (Aveyron)

Plus tard, à propos de la marche victorieuse de l'Armée B débarquée en Provence (et sur laquelle nous reviendrons) le genéral Von Blaskovitz a écrit: " La Résistance était pour nous comme un essaim de guêpes qui nous harcelait sans cesse et nous obligeait constamment à modifier le plan initial de bataille".. Son appréciation est valable à l'échelon national. Le 10 juillet 1944, le traître Jacques Doriot, de funeste mémoire, écrivait à l'ambassadeur allemand Otto Abetz, au sujet de la situation à l'arrière du front de Normandie: "Le chef de l'Etat-Major de l'armée, dont le Q.G est au Mans, m'a déclaré que la sécurité des convois allemands n'est pas assurée à cause des maquisards particulièrement agissants".
 Déraillement près de la Souterraine (Creuse) dans la nuit du 28 août au 29 août 1944

Il ajoutait qu'il en était de même partout en France: "Les routes de Paris à Nancy et à Verdun, et de Paris à Mézières, ont été interceptées par le maquis; c'est à dire qu'à quelque distance des frontières de l'Allemagne les hommes du maquis attaquent les officiers de la Wehrmacht". C'est peut-être au général Eisenhower lui-même que nous devons les précisions les plus importantes. Il écrivit notamment: "La concentration ennemie dans le zone de Normandie pendant les 6 premières semaines de la campagne s'effectuait seulement au rythme d'une demi-division par jour en moyenne. La marche de ces renforts fut rendue lente et hasardeuses par les efforts combinés des aviations alliées et des patriotes français... Les IXe et Xe divisions blindées S.S mirent autant de temps pour se rendre de l'est de la France en Normandie qu'elles en avaient mis pour aller de Pologne où elles étaient stationnées, à la frontière française..."(5). Il évoque la 275e division d'Infanterie, partie de Fougères en chemin de fer, arrêtée par des bombardements, réquisitionnant des chevaux que les résistants et les paysans volèrent ou dispersèrent, et arrivant sur le front à pied. La division S.S. "Das Reich"-celle d'Oradour- mit 12 jours pour couvrir 720 kms, une colonne de 50 camions, partie de Toulouse, le 7 juin, n'en comptant plus que 6 à son arrivée à Limoges. Le maréchal Montgoméry confirma de son côté que la concentration allemande mit plus d'une quinzaine avant de se terminer "en raison de nos opérations aériennes et du sabotage". John Erhman écrivit que les Allemands étant "attaqués d'une manière constante par les airs et sans interruption par la Résistance française, leurs réactions furent difficiles et lentes". Le chef d'État-Major du groupe allemand est allé jusqu'à cet énorme aveu: " On ne peut parler d'un mouvement de résistance, il s'agit d'une véritable armée qui combat dans notre dos". (6). Le rapport du commandant en chef pour la France estime que du 6 juin 1944 au 4 juillet, 7900 Allemands sont "tombés au combat"... du fait des maquisards . (Ceci sans parler de ceux qui sont tombés, autrement, notamment par des bombardements, à cause de leur immobilisation par la Résistance.).
La contre-attaque immobilisée
Dès le 31 mai 1945, nous a révélé l'ancien chef des précieux Lysanders, le colonel Hugh Vérity, présent au congrès de l'A.N.A.C.R., à Blois, Eisenhower écrivait au Général Gubbins: " En aucune guerre les forces de Résistance n'ont été aussi étroitement agrégées à l'effort militaire principal". Et comme il cite, entre autres, les coupures de voies de communication, essentiellement ferroviaires, relevons qu'en 1944, 1134 coupures et déraillements furent causés par les bombardements alliés et 2731 par la Résistance. On a pu citer les 27 coupures de voies ferrées réalsées par les FFI de la région de Dijon et qui immobilisèrent pendant environ 2 semaines plusieurs centaines de trains. 11 trains chargés de blindés allemands partirent de Bordeaux et furent aiguillés par les cheminots sur une ligne où les FFI venaient de faire dérailler successivement 2 trains. Ils furent ainsi retardés de 9 jours. On a aussi raconté l'invraisemblable itinéraire des S.S partis du camp de Mailly dans l'Yonne, qui allèrent buter sur des coupures de voies opérées par les FFI à Troyes, puis à Châlons-sur-Marne, puis à Vitry-le-François, puis à Sézanne, puis à Epernay, tournant ainsi en rond pendant 1 semaine et arrivant dans la région d'Avranches...15 jours après le débarquement!. L'amiral français Lemonnier (6) a écrit: "Ce sont bien les difficultés de transport à travers la France qui interdisent le renforcement du front de Normandie à la cadence qu'il faudrait maintenir pour rétablir la balance des forces. Les unités de front réclamaient sans cesse en vain le remplacement des chars mis hors d'uage. Les dépôts regorgeaient de chars prêts à étre livrés. le drame est qu'il n'y a pas moyen de les faire parvenir sur le front de Normandie." Et c'est encore le général Eisenhower qui, dans le livre cité écrit: "Pendant toute la campagne, les hommes des FFI ont joué un rôle important. Ils ont été particulièrement actifs en Bretagne et sur tous les points du front, ils nous ont aidé de mille façons. Sans eux, la Libération de la France et la défaite de l'ennemi en Europe occidentale auraient été bien plus longues, et nous auraient coûté davantage de pertes."

(5) "Croisade en Europe"
(6) H.Luther: "Der partisanen Krieg"